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CHAPITRE CLXXXII.

(1679) Le roi fut obligé d’envoyer contre les saints le duc de Monmouth, son fils naturel, avec une petite armée. Les presbytériens marchèrent contre lui au nombre de huit mille hommes, commandés par des ministres du saint Évangile. Cette armée s’appelait l’armée du Seigneur. Il y avait un vieux ministre qui monta sur un petit tertre, et qui se fit soutenir les mains comme Moïse, pour obtenir une victoire sûre, l’armée du Seigneur fut mise en déroute dès les premiers coups de canon. On fit douze cents prisonniers. Le duc de Monmouth les traita avec humanité ; il ne fit pendre que deux prêtres, et donna la liberté à tous les prisonniers qui voulurent jurer de ne plus troubler la patrie au nom de Dieu : neuf cents firent le serment ; trois cents jurèrent qu’il valait mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qu’ils aimaient mieux mourir que de ne pas tuer les anglicans et les papistes. On les transporta en Amérique, et leur vaisseau ayant fait naufrage, ils reçurent au fond de la mer la couronne du martyre.

Cet esprit de vertige dura encore quelque temps en Angleterre, en Écosse, en Irlande ; mais enfin le roi apaisa tout, moins par sa prudence peut-être que par son caractère aimable dont la douceur et les grâces prévalurent, et changèrent insensiblement la férocité atrabilaire de tant de factieux en des mœurs plus sociables.

Charles II paraît être le premier roi d’Angleterre qui ait acheté par des pensions secrètes les suffrages des membres du parlement ; du moins, dans un pays où il n’y a presque rien de secret, cette méthode n’avait jamais été publique ; on n’avait point de preuve que les rois ses prédécesseurs eussent pris ce parti, qui abrège les difficultés, et qui prévient les contradictions.

Le second parlement, convoqué en 1679, procéda contre dix-huit membres des communes du parlement précédent, qui avait duré dix-huit années. On leur reprocha d’avoir reçu des pensions ; mais comme il n’y avait point de loi qui défendit de recevoir des gratifications de son souverain, on ne put les poursuivre.

Cependant Charles II, voyant que la chambre des communes, qui avait détrôné et fait mourir son père, voulait déshériter son frère de son vivant, et craignant pour lui-même les suites d’une telle entreprise, cassa le parlement, et régna sans en assembler désormais.

(1681) Tout fut tranquille dès le moment que l’autorité royale et parlementaire ne se choquèrent plus. Le roi fut réduit enfin à vivre avec économie de son revenu, et d’une pension de cent mille livres sterling que lui faisait Louis XIV. Il entretenait seulement