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DU CONCILE DE BÂLE, DU TEMPS DE CHARLES VII.

Les Grecs, toujours fiers de leur ancienneté, de leurs premiers conciles universels, de leurs sciences, se fortifièrent dans leur haine et dans leur mépris pour la communion romaine. Ils rebaptisaient les Latins qui revenaient à eux ; et de là vient qu’aujourd’hui, à Pétersbourg et à Riga, les prêtres russes donnent un second baptême à un catholique qui embrasse la religion grecque. Plusieurs retranchèrent la confirmation et l’extrême-onction du nombre des sacrements. Tous s’élevèrent de nouveau contre la procession du Saint-Esprit, contre le purgatoire, contre la communion sous une seule espèce ; et il est très-vrai enfin qu’ils diffèrent autant de l’Église de Rome que les réformés.

Cependant Eugène IV passait dans l’Occident pour avoir éteint ce grand schisme. Il avait soumis l’empereur grec et son Église en apparence. Sa victoire était glorieuse, et jamais pontife avant lui n’avait paru rendre un si grand service à l’Église romaine, ni jouir d’un si beau triomphe.

Dans le temps même qu’il rend ce service aux Latins, et qu’il finit, autant qu’il est en lui, le schisme de l’Orient et de l’Occident, le concile de Bâle le dépose du pontificat, le déclare « rebelle, simoniaque, schismatique, hérétique et parjure » (1439).

Si on considère le concile par ce décret, on n’y voit qu’une troupe de factieux ; si on le regarde par les règles de discipline qu’il donna, on y verra des hommes très-sages. C’est que la passion n’avait point de part à ces règlements, et qu’elle agissait seule dans la déposition d’Eugène. Le corps le plus auguste, quand la faction l’entraîne, fait toujours plus de fautes qu’un seul homme. Le conseil du roi de France Charles VII adopta les règles que l’on avait faites avec sagesse, et rejeta l’arrêt que l’esprit de parti avait dicté.

Ce sont ces règlements qui servirent à faire la pragmatique sanction, si longtemps chère aux peuples de France. Celle qu’on attribue à saint Louis ne subsistait presque plus. Les usages en vain réclamés par la France étaient abolis par l’adresse des Romains. On les rétablit par cette célèbre pragmatique. Les élections par le clergé, avec l’approbation du roi, y sont confirmées ; les annales déclarées simoniaques ; les réserves, les expectatives, y sont détestées. Mais d’un côté on n’ose jamais faire tout ce qu’on peut, et de l’autre on fait au delà de ce que l’on doit. Cette loi si fameuse, qui assure les libertés de l’Église gallicane, permet qu’on appelle au pape en dernier ressort, et qu’il délègue des juges dans toutes les causes ecclésiastiques que des évêques compatriotes pouvaient terminer si aisément. C’était en quelque sorte recon-