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CHAPITRE CLXXV.

fessât la religion des calvinistes en les combattant. Ce changement de religion dans Lesdiguières aurait déshonoré tout particulier qui n’eût eu qu’un petit intérêt ; mais les grands objets de l’ambition ne connaissent point la honte.

Louis XIII était donc obligé d’acheter sans cesse des serviteurs, et de négocier avec des rebelles. Il met le siége devant Montpellier, et, craignant la même disgrâce que devant Montauban, il consent à n’être reçu dans la ville qu’à condition qu’il confirmera redit de Nantes et tous les priviléges. Il semble qu’en laissant d’abord aux autres villes calvinistes leurs priviléges, et en suivant les conseils de Duplessis-Mornai, il se serait épargné la guerre ; et on voit que, malgré sa victoire de Riès, il gagnait peu de chose à la continuer.

Le duc de Rohan, voyant que tout le monde négociait, traita aussi. Ce fut lui-même qui obtint des habitants de Montpellier qu’ils recevraient le roi dans leur ville. Il entama et il conclut à Privas la paix générale avec le connétable de Lesdiguières (1622). Le roi le paya comme les autres, et lui donna le duché de Valois en engagement.

Tout resta dans les mêmes termes où l’on était avant la prise d’armes : ainsi il en coûta beaucoup au roi et au royaume pour ne rien gagner. Il y eut, dans le cours de la guerre, quelques malheureux citoyens de pendus, et les chefs rebelles eurent des récompenses.

Le conseil de Louis XIII, pendant cette guerre civile, avait été aussi agité que la France. Le prince de Condé accompagnait le roi, et voulait conduire l’armée et l’État. Les ministres étaient partagés ; ils n’avaient pressé le roi de donner l’épée de connétable à Lesdiguières que pour diminuer l’autorité du prince de Condé. Ce prince, lassé de combattre dans le cabinet, alla à Rome, dès que la paix fut faite, pour obtenir que les bénéfices qu’il possédait fussent héréditaires dans sa maison. Il pouvait les faire passer à ses enfants, sans le bref qu’il demanda et qu’il n’eut point. À peine put-il obtenir qu’on lui donnât à Rome le titre d’altesse, et tous les cardinaux-prêtres prirent sans difficulté la main sur lui. Ce fut là tout le fruit de son voyage à Rome.

La cour, délivrée du fardeau d’une guerre civile, ruineuse, et infructueuse, fut en proie à de nouvelles intrigues. Les ministres étaient tous ennemis déclarés les uns des autres, et le roi se défiait d’eux tous.

Il parut bien, après la mort du connétable de Luines, que c’était lui, plutôt que le roi, qui avait persécuté la reine mère.