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CHAPITRE CLXXV.

n’avait pas ces grandes vues, et quand même il eût pu les concevoir, il n’aurait pu les remplir : il eût fallu une autorité respectée, des finances en bon ordre, de grandes armées ; et tout cela manquait.

Les divisions de la cour, sous un roi qui voulait être maître, et qui se donnait toujours un maître, répandaient l’esprit de sédition dans toutes les villes, il était impossible que ce feu ne se communiquât pas tôt ou tard aux réformés de France. C’était ce que la cour craignait, et sa faiblesse avait produit cette crainte ; elle sentait qu’on désobéirait quand elle commanderait, et cependant elle voulut commander.

(1620) Louis XIII réunissait alors le Béarn à la couronne par un édit solennel : cet édit restituait aux catholiques les églises dont les réformés s’étaient emparés avant le règne de Henri IV, et que ce monarque leur avait conservées. Le parti s’assemble à la Rochelle, au mépris de la défense du roi. L’amour de la liberté, si naturel aux hommes, flattait alors les réformés d’idées républicaines ; ils avaient devant les yeux l’exemple des protestants d’Allemagne qui les échauffait. Les provinces où ils étaient répandus en France étaient divisées par eux en huit cercles : chaque cercle avait un général, comme en Allemagne, et ces généraux étaient un maréchal de Bouillon, un duc de Soubise, un duc de La Trimouille, un Châtillon, petit-fils de l’amiral Coligny ; enfin le maréchal de Lesdiguières. Le commandant général qu’ils devaient choisir, en cas de guerre, devait avoir un sceau où étaient gravés ces mots : Pour Christ et pour le roi ; c’est-à-dire, contre le roi. La Rochelle était regardée comme la capitale de cette république, qui pouvait former un État dans l’État.

Les réformés dès lors se préparèrent à la guerre. On voit qu’ils étaient assez puissants, puisqu’ils offrirent la place de généralissime au maréchal de Lesdiguières, avec cent mille écus par mois. Lesdiguières, qui voulait être connétable de France, aima mieux les combattre que de les commander, et quitta même bientôt après leur religion ; mais il fut trompé d’abord dans ses espérances à la cour. Le duc de Luines, qui ne s’était jamais servi d’aucune épée, prit pour lui celle de connétable ; et Lesdiguières, trop engagé, fut obligé de servir sous Luines contre les réformés, dont il avait été l’appui jusqu’alors.

Il fallut que la cour négociât avec tous les chefs du parti pour les contenir, et avec tous les gouverneurs de province pour fournir des troupes. Louis XIII marche vers la Loire, en Poitou, en Béarn, dans les provinces méridionales : le prince de Condé est à