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DE HENRI IV.

la Ligue règne sous le nom de ce cardinal de Vendôme, qu’elle appelait Charles X, au nom duquel on frappait la monnaie, tandis que le roi le retenait prisonnier à Tours[1].

Les religieux animent les peuples contre lui. Les jésuites courent de Paris à Rome et en Espagne. Le P. Matthieu, qu’on nommait le courrier de la Ligue, ne cesse de procurer des bulles et des soldats. Le roi d’Espagne (14 mars 1590) envoie quinze cents lances fournies, qui faisaient environ quatre mille cavaliers, et trois mille hommes de la vieille infanterie vallone, sous le comte d’Egmont, fils de cet Egmont à qui ce roi avait fait trancher la tête. Alors Henri IV rassemble le peu de forces qu’il peut avoir, et n’est pourtant pas à la tête de dix mille combattants. Il livre cette fameuse bataille d’Ivry aux ligueurs commandés par le duc de Mayenne, et aux Espagnols très-supérieurs en nombre, en artillerie, en tout ce qui peut entretenir une armée considérable. Il gagne cette bataille, comme il avait gagné celle de Coutras, en se jetant dans les rangs ennemis au milieu d’une forêt de lances. On se souviendra dans tous les siècles de ces paroles : « Si vous perdez vos enseignes, ralliez-vous à mon panache blanc ; vous le trouverez toujours au chemin de l’honneur et de la gloire. » « Sauvez les Français ! » s’écria-t-il quand les vainqueurs s’acharnaient sur les vaincus.

Ce n’est plus comme à Coutras, où à peine il était le maître. Il ne perd pas un moment pour profiter de la victoire. Son armée le suit avec allégresse ; elle est même renforcée ; mais enfin il n’avait pas quinze mille hommes, et avec ce peu de troupes il

  1. Ce que nous avons dit dans la note précédente peut s’appliquer ici. La Sorbonne agissait alors d’après les principes d’intolérance admis par tous les théologiens, d’après l’intérêt de l’autorité ecclésiastique, l’esprit général du clergé ; ainsi, tant qu’elle n’enseignera pas dans ses écoles que tout acte de violence temporelle exercé contre l’hérésie ou l’impiété est contraire à la justice, et par conséquent à la loi de Dieu ; tant qu’elle n’enseignera point que le clergé ne peut avoir d’autre juridiction que celle qu’il reçoit de la puissance séculière, et qui conserve le droit de l’en priver, on est en droit de croire que la Sorbonne a conservé ses principes d’intolérance et de révolte.

    D’ailleurs il n’est que trop public qu’elle n’a point rougi d’avancer hautement dans la censure de Bélisaire *, et plus récemment dans celle de l’Histoire philosophique du commerce des Deux-Indes **, les principes des assassins et des bourreaux du XVIe siècle.

    Ainsi, autant il serait injuste de reprocher aux parlements leurs arrêts contre Henri IV, autant est-il raisonnable de reprocher à la Sorbonne son décret contre Henri III, ses décisions contre Henri IV, ses instructions au P. Matthieu, etc. (K.)

    * Par Marmontel.
        ** Par l’abbé Raynal.