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DU CONCILE DE TRENTE.
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avec le cardinal de Lorraine, se joignent aux Espagnols contre la cour de Rome : et les prélats italiens disaient que le concile était tombé dalla rogna spagnuola nel mal francese.

(1563) Il fallut négocier, intriguer, répandre l’argent. Les légats gagnaient autant qu’ils pouvaient les théologiens étrangers. Il y eut surtout un certain Hugonis, docteur de Sorbonne, qui leur servit d’espion : il fut avéré qu’il avait reçu cinquante écus d’or d’un évêque de Vintimiglia pour rendre compte des secrets du cardinal de Lorraine.

(Octobre 1563) La cour de France, épuisée alors par les querelles de religion et de politique, n’avait pas même de quoi payer ses théologiens au concile ; ils retournent tous en France, excepté cet Hugonis, pensionnaire des légats ; neuf évêques français avaient déjà quitté le concile, et il n’en restait plus que huit.

Les querelles de religion faisaient alors couler le sang en France, comme elles en avaient inondé l’Allemagne du temps de Charles-Quint ; une paix passagère avait été signée avec le parti protestant, au mois de mars de cette année 1563. Le pape, courroucé de cette paix, fait condamner à Rome, par l’Inquisition, le cardinal de Châtillon, évêque de Beauvais, huguenot déclaré ; mais il enveloppa dans cette condamnation dix autres évêques de France, et on ne voit point que ces évêques en appellent au concile : quelques-uns se contentent de se pourvoir aux parlements du royaume. En un mot, aucune congrégation du concile ne réclama contre cet acte d’autorité.

(1563) Les pères prennent ce temps pour former un décret contre tous les princes qui voudront juger les ecclésiastiques et leur demander des subsides. Tous les ambassadeurs s’opposent à ce décret, qui ne passe point. La querelle s’échauffe ; l’ambassadeur de France, Ferrier, dit dans le tumulte : « Quand Jésus-Christ approche, il ne faut pas crier ici comme les diables. Envoyez-nous dans des troupeaux de cochons. » On ne voit pas bien quel rapport ce troupeau de cochons pouvait avoir avec cette dispute.

(11 novembre 1563) Après tant d’altercations toujours vives et toujours apaisées par la prudence des légats, on presse la conclusion du concile. On y décrète, dans la vingt-quatrième session, que le lien du mariage est perpétuel depuis Adam, qu’il est devenu un sacrement depuis Jésus-Christ, que l’adultère ne peut le dissoudre, et qu’il ne peut être annulé que par la parenté jusqu’au quatrième degré, à moins d’une dispense du pape. Les protestants, au contraire, pensaient qu’on pouvait épouser sa cou-