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CHAPITRE CLXXII.

bout de quelque temps, déclare le roi Ferdinand, frère du puissant Charles-Quint, absous des censures. Le meurtre du célèbre Martinusius demeure dans le grand nombre des assassinats impunis qui déshonorent la nature humaine.

De plus grandes entreprises dérangent le concile : le parti protestant, défait à Mulberg, reprend vigueur ; il est en armes. Le nouvel électeur de Saxe, Maurice, assiége Augsbourg (1552). L’empereur est surpris dans les défilés du Tyrol : obligé de fuir avec son frère Ferdinand, il perd tout le fruit de ses victoires. Les Turcs menacent la Hongrie. Henri II, toujours ligué avec les Turcs et les protestants, tandis qu’il fait brûler les hérétiques de son royaume, envoie des troupes en Allemagne et en Italie. Les pères du concile s’enfuient en hâte de la ville de Trente, et le concile est oublié pendant dix années.

(1560) Enfin Medichino, Pie IV, qui se disait de la maison de ces grands négociants et de ces grands princes les Médicis, ressuscite le concile de Trente. Il invite tous les princes chrétiens ; il envoie même des nonces aux princes protestants assemblés à Naumbourg en Saxe. Il leur écrit : À mon cher fils ; mais ces princes ne le reconnaissent point pour père, et refusent ses lettres.

(1562) Le concile recommence par une procession de cent douze évêques entre deux files de mousquetaires. Un évêque de Reggio prêche avec plus d’éloquence que n’avait fait l’évêque de Bitonto. On ne peut relever davantage le pouvoir de l’Église ; il égale son autorité à celle de Dieu : « Car, dit-il, l’Église a détruit la circoncision et le sabbat que Dieu même avait ordonnés[1]. » Dans les deux années 1562 et 63 que dura la reprise du concile, il s’élève presque toujours des disputes entre les ambassadeurs sur la préséance : ceux de Bavière veulent l’emporter sur ceux de Venise ; mais ils cèdent enfin, après de longues contestations.

(1562) Les ambassadeurs des cantons suisses catholiques demandent la préséance sur ceux du duc de Florence, et l’obtiennent. L’un de ces députés suisses, nommé Melchior Luci, dit qu’il est prêt de soutenir le concile avec son épée, et de traiter les ennemis de l’Église comme ses compatriotes ont traité le curé Zuingle et ses adhérents, qu’ils tuèrent et qu’ils brûlèrent pour la bonne cause.

Mais la plus grande dispute fut entre les ambassadeurs de

  1. Cet évêque avait plus raison qu’il ne croyait : car Jésus ne prêcha rien que l’obéissance à la religion juive, et ne commanda jamais rien de ce que l’on pratiqué chez les chrétiens, cela est évident. (Note de Voltaire.)