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DU CONCILE DE TRENTE.

Les cordeliers et les jacobins partagent encore les opinions des pères sur l’eucharistie comme sur la prédestination. Les cordeliers soutiennent que le corps de Dieu, dans le sacrement, passe d’un lieu à un autre ; et les jacobins affirment que ce corps ne passe point d’un lieu à un autre, mais qu’il est fait en un instant du pain transsubstantié.

Les pères décident que le corps divin est sous l’apparence du pain, et son sang sous l’apparence du vin ; que le corps et le sang sont ensemble dans chaque espèce par concomitance, tout entiers, reproduits en un instant dans chaque parcelle et dans chaque goutte, auxquelles on doit un culte de latrie.

Cependant le prince Philippe, fils de Charles-Quint, depuis roi d’Espagne, et le prince héréditaire de Savoie, passent par Trente (1552). Il est dit dans quelques livres concernant les beaux-arts que « les pères donnèrent un bal à ces princes, que le cardinal de Mantoue ouvrit le bal, et que les pères dansèrent avec beaucoup de gravité et de décence ». On cite sur ce fait le cardinal Pallavicini ; et, pour faire voir que la danse n’est point une chose profane, on se prévaut du silence de Fra-Paolo, qui ne condamne point ce bal du concile.

Il est vrai que chez les Hébreux et chez les Gentils la danse fut souvent une cérémonie religieuse ; il est vrai que Jésus-Christ chanta et dansa après sa pâque juive, comme le dit saint Augustin dans ses Lettres ; mais il n’est pas vrai, comme on le dit, que Pallavicini parle de cette danse des pères. On réclame en vain l’indulgence de Fra-Paolo : s’il ne condamne point ce bal, c’est qu’en effet les pères ne dansèrent point. Pallavicini, dans son livre onzième, chapitre xv, dit seulement qu’après un repas magnifique donné par le cardinal de Mantoue, président du concile, dans une salle bâtie exprès à trois cents pas de la ville, il y eut des divertissements, des joutes, des danses ; mais il ne dit point du tout que ce président et le concile aient dansé.

Au milieu de ces divertissements et des occupations plus sérieuses du concile, Ferdinand Ier, roi de Hongrie, frère de Charles-Quint, fait assassiner le cardinal Martinusius en Hongrie. Le concile, à cette nouvelle, est plein d’indignation et de trouble. Les pères remettent la connaissance de cet attentat au pape, qui n’en peut connaître : ce n’est plus le temps de Thomas Becquet et de Henri II d’Angleterre[1].

Jules III excommunie les assassins, qui étaient Italiens, et, au

  1. Voyez chapitre i.