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DE LA FRANCE SOUS FRANÇOIS II.

la mort du roi, par l’ordre des Guises, fit beaucoup plus de calvinistes en France qu’il n’y en avait en Suisse et à Genève. S’ils avaient paru dans un temps comme celui de Louis XII, où l’on faisait la guerre à la cour de Rome, on eût pu les favoriser ; mais ils venaient précisément dans le temps que Henri II avait besoin du pape Paul IV pour disputer Naples et Sicile à l’Espagne, et lorsque ces deux puissances s’unissaient avec le Turc contre la maison d’Autriche. On crut donc devoir sacrifier les ennemis de l’Église aux intérêts de Rome. Le clergé, puissant à la cour, craignant pour ses biens temporels et pour son autorité, les poursuivit ; la politique, l’intérêt, le zèle, concoururent à les exterminer. On pouvait les tolérer, comme Élisabeth en Angleterre toléra les catholiques ; on pouvait conserver de bons sujets, en leur laissant la liberté de conscience. Il eût importé peu à l’État qu’ils chantassent à leur manière, pourvu qu’ils eussent été soumis aux lois de l’État : on les persécuta, et on en fit des rebelles.

La mort funeste de Henri II fut le signal de trente ans de guerres civiles. Un roi enfant gouverné par des étrangers, des princes du sang et de grands officiers de la couronne jaloux du crédit des Guises, commencèrent la subversion de la France.

La fameuse conspiration d’Amboise est la première qu’on connaisse en ce pays. Les ligues faites et rompues, les mouvements passagers, les emportements et le repentir, semblaient avoir fait jusqu’alors le caractère des Gaulois, qui, pour avoir pris le nom de Francs, et ensuite celui de Français, n’avaient pas changé de mœurs. Mais il y eut dans cette conspiration une audace qui tenait de celle de Catilina, un manège, une profondeur, et un secret qui la rendait semblable à celle des vêpres siciliennes et des Pazzi de Florence : le prince Louis de Condé en fut l’âme invisible, et conduisit cette entreprise avec tant de dextérité que, quand toute la France sut qu’il en était le chef, personne ne put l’en convaincre.

Cette conspiration avait cela de particulier qu’elle pouvait paraître excusable, en ce qu’il s’agissait d’ôter le gouvernement à François duc de Guise, et au cardinal de Lorraine, son frère, tous deux étrangers, qui tenaient le roi en tutelle, la nation en esclavage, et les princes du sang et les officiers de la couronne éloignés : elle était très-criminelle, en ce qu’elle attaquait les droits d’un roi majeur, maître par les lois de choisir les dépositaires de son autorité. Il n’a jamais été prouvé que dans ce complot on eût résolu de tuer les Guises ; mais, comme ils auraient résisté, leur mort était infaillible. Cinq cents gentilshommes, tous bien accom-