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CHAPITRE CLXIII.

conduit toujours des Européans en Afrique, en Asie, surtout en Amérique. La raison contraire retient loin de nous les peuples de ces climats.

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CHAPITRE CLXIII.


De Philippe II, roi d’Espagne.


Après le règne de Charles-Quint, quatre grandes puissances balancèrent les forces de l’Europe chrétienne : l’Espagne, par ses richesses du nouveau monde ; la France, par elle-même, par sa situation, qui empêchait les vastes États de Philippe II de se communiquer ; l’Allemagne, par la multitude même de ses princes, qui, quoique divisés entre eux, se réunissaient pour la défense de la patrie ; l’Angleterre, après la mort de Marie, par la conduite seule d’Élisabeth ; car son terrain était très-peu de chose : l’Écosse, loin de faire un corps avec elle, était son ennemie, et l’Irlande lui était à charge.

Les royaumes du Nord n’entraient point encore dans le système politique de l’Europe, et l’Italie ne pouvait être une puissance prépondérante. Philippe II semblait la tenir sous sa main. Philibert, duc de Savoie, gouverneur des Pays-Bas, dépendait entièrement de lui ; Charles-Emmanuel, fils de ce Philibert, et gendre de Philippe II, ne fut pas moins dans sa dépendance. Le Milanais, les Deux-Siciles, qu’il possédait, et surtout ses trésors, firent trembler les autres États d’Italie pour leur liberté. Enfin Philippe II joua le premier rôle sur le théâtre de l’Europe, mais non le plus admiré. De moins puissants princes, ses contemporains, ont laissé un plus grand nom, comme Élisabeth, et surtout Henri IV. Ses généraux et ses ennemis ont été plus estimés que lui : le nom de don Juan d’Autriche, d’Alexandre Farnèse, celui des princes d’Orange, est bien au-dessus du sien. La postérité fait une grande différence entre la puissance et la gloire.

Pour bien connaître les temps de Philippe II, il faut d’abord connaître son caractère, qui fut en partie la cause de tous les grands événements de son siècle ; mais on ne peut apercevoir son caractère que par les faits. On ne peut trop redire qu’il faut se défier du pinceau des contemporains, conduit presque toujours