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CHAPITRE CLIX.

quie, les peuples y sont plus industrieux : ils cultivent plus les sciences ; mais leurs sciences ne mériteraient pas ce nom parmi nous. Si les missionnaires européans ont étonné la Chine par le peu de physique et de mathématiques qu’ils savaient, ils n’auraient pas moins étonné les Persans.

Leur langue est belle, et depuis six cents ans elle n’a point été altérée. Leurs poésies sont nobles, leurs fables ingénieuses ; mais s’ils savent un peu plus de géométrie que les Chinois, ils n’ont pas beaucoup avancé au delà des éléments d’Euclide. Ils ne connaissent d’astronomie que celle de Ptolémée, et cette astronomie n’est encore chez eux que ce qu’elle a été si longtemps en Europe, un chemin pour parvenir à l’astrologie judiciaire. Tout se réglait en Perse par les influences des astres, comme chez les anciens Romains par le vol des oiseaux et l’appétit des poulets sacrés. Chardin prétend que, de son temps, l’État dépensait quatre millions par an en astrologues. Si un Newton, un Halley, un Cassini, se fussent produits en Perse, ils auraient été négligés, à moins qu’ils n’eussent voulu prédire.

Leur médecine était, comme celle de tous les peuples ignorants, une pratique d’expérience réduite en préceptes, sans aucune connaissance de l’anatomie. Cette science avait péri avec les autres ; mais elle renaissait avec elles en Europe, au commencement du XVIe siècle, par les découvertes de Vésale et par le génie de Fernel.

Enfin, de quelque peuple policé de l’Asie que nous parlions, nous pouvons dire de lui : Il nous a précédés, et nous l’avons surpassé.

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CHAPITRE CLIX.


De l’empire ottoman au xvie siècle ; ses usages, son gouvernement, ses revenus.


Le temps de la grandeur et des progrès des Ottomans fut plus long que celui des sophis, car depuis Amurat II ce ne fut qu’un enchaînement de victoires.

Mahomet II avait conquis assez d’États pour que sa race se contentât d’un tel héritage : mais Sélim Ier y ajouta de nouvelles conquêtes. Il prit, en 1515, la Syrie et la Mésopotamie, et entreprit