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CHAPITRE CLIV.

habitants de Saint-Domingue et de quelques autres îles, sont des excès d’horreur : mais l’établissement dans le Paraguai par les seuls jésuites espagnols paraît à quelques égards le triomphe de l’humanité ; il semble expier les cruautés des premiers conquérants. Les quakers dans l’Amérique septentrionale, et les jésuites dans la méridionale, ont donné un nouveau spectacle au monde. Les primitifs ou quakers ont adouci les mœurs des sauvages voisins de la Pensylvanie ; ils les ont instruits seulement par l’exemple, sans attenter à leur liberté, et ils leur ont procuré de nouvelles douceurs de la vie par le commerce. Les jésuites se sont à la vérité servis de la religion pour ôter la liberté aux peuplades du Paraguai : mais ils les ont policées ; ils les ont rendues industrieuses, et sont venus à bout de gouverner un vaste pays, comme en Europe on gouverne un couvent. Il paraît que les primitifs ont été plus justes, et les jésuites plus politiques. Les premiers ont regardé comme un attentat l’idée de soumettre leurs voisins ; les autres se sont fait une vertu de soumettre des sauvages par l’instruction et par la persuasion.

Le Paraguai est un vaste pays entre le Brésil, le Pérou, et le Chili. Les Espagnols s’étaient rendus maîtres de la côte, où ils