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DU BRÉSIL.

santes. Les premiers voyages ont eu pour objet d’unir toutes les nations : les derniers ont été entrepris pour nous détruire au bout du monde.

C’est un grand problème de savoir si l’Europe a gagné en se portant en Amérique, Il est certain que les Espagnols en retirèrent d’abord des richesses immenses ; mais l’Espagne a été dépeuplée, et ces trésors, partagés à la fin par tant d’autres nations, ont remis l’égalité qu’ils avaient d’abord ôtée. Le prix des denrées a augmenté partout. Ainsi personne n’a réellement gagné. Il reste à savoir si la cochenille et le quinquina sont d’un assez grand prix pour compenser la perte de tant d’hommes.

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CHAPITRE CL.


Du Brésil.


Quand les Espagnols envahissaient la plus riche partie du nouveau monde, les Portugais, surchargés des trésors de l’ancien, négligeaient le Brésil, qu’ils découvrirent en 1500, mais qu’ils ne cherchaient pas.

Leur amiral Cabrai, après avoir passé les îles du Cap-Vert pour aller par la mer australe d’Afrique aux côtes du Malabar, prit tellement le large à l’occident qu’il vit cette terre du Brésil, qui de tout le continent américain est le plus voisin de l’Afrique ; il n’y a que trente degrés en longitude de cette terre au mont Atlas : c’était celle qu’on devait découvrir la première. On la trouva fertile ; il y règne un printemps perpétuel. Tous les habitants, grands, bien faits, vigoureux, d’une couleur rougeâtre, marchaient nus, à la réserve d’une large ceinture qui leur servait de poche.

C’étaient des peuples chasseurs, par conséquent n’ayant pas toujours une subsistance assurée ; de là nécessairement féroces, se faisant la guerre avec leurs flèches et leurs massues pour quelques pièces de gibier, comme les barbares policés de l’ancien continent se la font pour quelques villages. La colère, le ressentiment d’une injure les armait souvent, comme on le raconte des premiers Grecs et des Asiatiques. Ils ne sacrifiaient point