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CHAPITRE CXLIII.

table des astres leur altribuèrent de fausses influences : les fondateurs des religions, en reconnaissant la Divinité, souillèrent le culte par les superstitions.

De tant de religions différentes il n’en est aucune qui n’ait pour but principal les expiations. L’homme a toujours senti qu’il avait besoin de clémence. C’est l’origine de ces pénitences effrayantes auxquelles les bonzes, les bramins, les faquirs, se dévouent ; et ces tourments volontaires, qui semblent crier miséricorde pour le genre humain, sont devenus un métier pour gagner sa vie.

Je n’entrerai point dans le détail immense de leurs coutumes ; mais il y en a une si étrange pour nos mœurs qu’on ne peut s’empêcher d’en faire mention : c’est celle des bramins, qui portent en procession le Phallum des Égyptiens, le Priape des Romains. Nos idées de bienséance nous portent à croire qu’une cérémonie qui nous paraît si infâme n’a été inventée que par la débauche ; mais il n’est guère croyable que la dépravation des mœurs ait jamais chez aucun peuple établi des cérémonies religieuses. Il est probable, au contraire, que cette coutume fut d’abord introduite dans des temps de simplicité, et qu’on ne pensa d’abord qu’à honorer la Divinité dans le symbole de la vie qu’elle nous a donnée. Une telle cérémonie a dû inspirer la licence à la jeunesse, et paraître ridicule aux esprits sages, dans des temps plus raffinés, plus corrompus, et plus éclairés. Mais l’ancien usage a subsisté malgré les abus, et il n’y a guère de peuple qui n’ait conservé quelque cérémonie qu’on ne peut ni approuver ni abolir.

Parmi tant d’opinions extravagantes et de superstitions bizarres, croirions-nous que tous ces païens des Indes reconnaissent comme nous un Être infiniment parfait ? qu’ils l’appellent l’Être des êtres, l’Être souverain, invisible, incompréhensible, sans figure, créateur et conservateur, juste et miséricordieux, qui se plaît à se communiquer aux hommes pour les conduire au bonheur éternel » ? Ces idées sont contenues dans le Veidam, ce livre des anciens brachmanes, et encore mieux dans le Shasta, plus ancien que le Veidam. Elles sont répandues dans les écrits modernes des bramins.

Un savant danois, missionnaire sur la côte de Tranquebar, cite plusieurs passages, plusieurs formules de prières, qui semblent partir de la raison la plus droite, et de la sainteté la plus épurée. En voici une, tirée d’un livre intitulé Varabadu : « Ô souverain de tous les êtres, Seigneur du ciel et de la terre, je ne vous contiens pas dans mon cœur ! Devant qui déplorerai-je ma