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DES ORDRES RELIGIEUX.

Les dominicains assuraient qu’elle était née livrée au démon comme les autres ; les cordeliers prétendaient qu’elle avait été exempte du péché originel. Les dominicains croyaient être fondés sur l’opinion de saint Thomas ; les franciscains sur celle de Jean Duns, Écossais, nommé improprement Scot, et connu en son temps par le titre de Docteur subtil.

La querelle politique de ces deux ordres était la suite du prodigieux crédit des dominicains.

Ceux-ci, fondés un peu après les franciscains, n’étaient pas si nombreux ; mais ils étaient plus puissants, par la charge de maître du sacré palais de Rome, qui, depuis saint Dominique, est affectée à cet ordre, et par les tribunaux de l’Inquisition auxquels ces religieux président. Leurs généraux même nommèrent longtemps les inquisiteurs dans la chrétienté. Le pape, qui les nomme actuellement, laisse toujours subsister la congrégation de cet office dans le couvent de la Minerve des dominicains ; et ces moines sont encore inquisiteurs dans trente-deux tribunaux d’Italie, sans compter ceux du Portugal et de l’Espagne.

Pour les augustins, c’était originairement une congrégation d’ermites, auxquels le pape Alexandre IV donna une règle (1254). Quoique le sacristain du pape fût toujours tiré de leur corps, et qu’ils fussent en possession de prêcher et de vendre les indulgences, ils n’étaient ni si répandus que les cordeliers, ni si puissants que les dominicains ; et ils ne sont guère connus du monde séculier que pour avoir eu Luther dans leur ordre.

Les minimes ne faisaient ni bien ni mal. Ils furent fondés par un homme sans jugement, par ce Francesco Martorillo, que Louis XI priait de lui prolonger la vie. Ce Martorillo, ayant réglé en Calabre que ses moines mangeraient tout à l’huile, parce que l’huile y est presque pour rien, ordonna la même chose à ses moines établis par lui-même dans les climats septentrionaux de France où les oliviers ne croissent point, et où l’huile est quelquefois si chère que cette nourriture, ordonnée par la frugalité, est un luxe.

J’omets un grand nombre de congrégations différentes : car, dans ce plan général, je ne fais point passer en revue tous les régiments d’une armée. Mais l’ordre des jésuites, établi du temps de Luther, demande une attention distinguée. Le monde chrétien s’est épuisé à en dire du bien et du mal. Cette société s’est étendue partout, et partout elle a eu des ennemis. Un très-grand nombre de personnes pensent que sa fondation était l’effort de la politique, et que l’institut d’Inigo, que nous nommons Ignace,