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SUITE DE LA RELIGION D’ANGLETERRE

(1543). Elle fut prête de subir le sort d’Anne de Boulen et de Catherine Howard, non pour ses galanteries, mais parce qu’elle fut quelquefois d’un autre avis que le roi sur les matières de théologie.

Quelques souverains qui ont changé la religion de leurs États ont été des tyrans, parce que la contradiction et la révolte font naître la cruauté. Henri VIII était cruel par son caractère ; tyran dans le gouvernement, dans la religion, dans sa famille. Il mourut dans son lit (1545) ; et Henri VI, le plus doux des princes, avait été détrôné, emprisonné, assassiné !

On vit dans sa dernière maladie un effet singulier du pouvoir qu’ont les lois en Angleterre jusqu’à ce qu’elles soient abrogées, et combien on s’est tenu dans tous les temps à la lettre plutôt qu’à l’esprit de ces lois. Personne n’osait avertir Henri de sa fin prochaine, parce qu’il avait fait statuer quelques années auparavant, par le parlement, que c’était un crime de haute trahison de prédire la mort du souverain. Cette loi, aussi cruelle qu’inepte, ne pouvait être fondée sur les troubles que la succession entraînerait, puisque cette succession était réglée en faveur du prince Édouard : elle n’était que le fruit de la tyrannie de Henri VIII, de sa crainte de la mort, et de l’opinion où les peuples étaient encore qu’il y a un art de connaître l’avenir.

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CHAPITRE CXXXVI.


Suite de la religion d’Angleterre.


Sous le barbare et capricieux Henri VIII, les Anglais ne savaient encore de quelle religion ils devaient être. Le luthéranisme, le puritanisme, l’ancienne religion romaine, partageaient et troublaient les esprits, que la raison n’éclairait pas encore. Ce conflit d’opinions et de cultes bouleversait les têtes, s’il ne subvertissait pas l’État. Chacun examinait, chacun raisonnait, et ce furent les premières semences de cette philosophie hardie qui se déploya longtemps après sous Charles II et sous ses successeurs.

Déjà même, quoique le scepticisme eût peu de partisans en Angleterre, et qu’on ne disputât que pour savoir sous quel maître