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DE LUTHER. DES INDULGENCES.

voir finir. Léon X suivit ardemment ce beau projet : il fallait beaucoup d’argent, et ses magnificences avaient épuisé son trésor. Il n’est point de chrétien qui n’eût dû contribuer à élever cette merveille de la métropole de l’Europe ; mais l’argent destiné aux ouvrages publics ne s’arrache jamais que par force ou par adresse. Léon X eut recours, s’il est permis de se servir de cette expression, à une des clefs de saint Pierre avec laquelle on avait ouvert quelquefois les coffres des chrétiens pour remplir ceux du pape.

Il prétexta une guerre contre les Turcs, et fit vendre, dans tous les États de la chrétienté, ce qu’on appelle des indulgences, c’est-à-dire la délivrance des peines du purgatoire, soit pour soi-même, soit pour ses parents et amis. Une pareille vente publique fait voir l’esprit du temps : personne n’en fut surpris. Il y eut partout des bureaux d’indulgences : on les affermait comme les droits de la douane, La plupart de ces comptoirs se tenaient dans des cabarets. Le prédicateur, le fermier, le distributeur, chacun y gagnait. Le pape donna à sa sœur une partie de l’argent qui lui en revint, et personne ne murmura encore. Les prédicateurs disaient hautement en chaire que « quand on aurait violé la sainte Vierge, on serait absous en achetant des indulgences » ; et le peuple écoutait ces paroles avec dévotion. Mais quand on eut donné aux dominicains cette ferme en Allemagne, les augustins, qui en avaient été longtemps en possession, furent jaloux, et ce petit intérêt de moines, dans un coin de la Saxe, produisit plus de cent ans de discordes, de fureurs et d’infortunes chez trente nations.

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CHAPITRE CXXVIII.


De Luther. Des indulgences.


Vous n’ignorez pas que cette grande révolution dans l’esprit humain et dans le système politique de l’Europe commença par Martin Luther, moine augustin, que ses supérieurs chargèrent de prêcher contre la marchandise qu’ils n’avaient pu vendre. La querelle fut d’abord entre les augustins et les dominicains.

Vous avez dû voir que toutes les querelles de religion étaient