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CONDUITE DE FRANÇOIS Ier.

à toutes ses vertus. Il fut grand pour avoir encouragé les arts ; mais la passion malheureuse de vouloir toujours être duc de Milan et vassal de l’empire malgré l’empereur fit tort à sa gloire. (1536) Réduit bientôt à chercher le secours de Barberousse, amiral de Soliman, il en essuya des reproches pour ne l’avoir pas secondé, et il fut traité de renégat et de parjure en pleine diète de l’empire.

Quel funeste contraste de faire brûler à petit feu dans Paris des luthériens parmi lesquels il y avait des Allemands, et de s’unir en même temps aux princes luthériens d’Allemagne, auprès desquels il est obligé de s’excuser de cette rigueur, et d’affirmer même qu’il n’y avait point eu d’Allemands parmi ceux qu’on avait fait mourir ! Comment des historiens peuvent-ils avoir la lâcheté d’approuver ce supplice, et de l’attribuer au zèle pieux d’un prince voluptueux, qui n’avait pas la moindre ombre de cette piété qu’on lui attribue ? Si c’est là un acte religieux, il est cruellement démenti par le nombre prodigieux de captifs catholiques que son traité avec Soliman livra depuis aux fers de Barberousse sur les côtes d’Italie : si c’est une action de politique, il faut donc approuver les persécutions des païens qui immolèrent tant de chrétiens. Ce fut en 1535 qu’on brûla ces malheureux dans Paris. Le P. Daniel met à la marge : Exemple de piété. Cet exemple de piété consistait à suspendre les patients à une haute potence dont on les faisait tomber à plusieurs reprises sur le bûcher : exemple en effet d’une barbarie raffinée, qui inspire autant d’horreur contre les historiens qui la louent que contre les juges qui l’ordonnèrent.

Daniel ajoute que François Ier dit publiquement qu’il ferait mourir ses propres enfants s’ils étaient hérétiques. Cependant il écrivait dans ce temps-là même à Mélanchton, l’un des fondateurs du luthéranisme, pour l’engager à venir à sa cour[1].

Charles-Quint ne se conduisait pas ainsi, quoique les luthériens fussent ses ennemis déclarés ; et loin de livrer des hérétiques aux bourreaux, et des chrétiens aux fers, il avait délivré dans Tunis dix-huit mille chrétiens esclaves, soit catholiques, soit protestants.

Il faut, pour la funeste expédition de Milan, passer par le Piémont ; et le duc de Savoie refuse au roi le passage. Le roi attaque donc le duc de Savoie pendant que l’empereur revenait triomphant de Tunis. Une autre cause de ce que la Savoie fut mise à feu et à sang (1534), c’est que la mère de François Ier était de

  1. Voyez l’Histoire du Parlement, chapitre xix. (Note de Voltaire.)