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CHAPITRE CXXIV.

comparé ; et quand même il leur eût été supérieur par le génie, il était trop inférieur par le nombre et par la qualité des troupes, qui encore n’étaient point payées. Il est obligé de fuir. Il est attaqué dans sa retraite à Biagrasse. Le fameux Bayard, qui ne commanda jamais en chef, mais à qui le surnom de chevalier sans peur et sans reproche était si bien dû, fut blessé à mort dans cette déroute de Biagrasse. Peu de lecteurs ignorent que Charles de Bourbon, le voyant dans cet état, lui marqua combien il le plaignait, et que le chevalier lui répondit en mourant : « Ce n’est pas moi qu’il faut plaindre, mais vous, qui combattez contre votre roi et contre votre patrie. »

Il s’en fallut bien peu que la défection de ce prince ne fût la ruine du royaume. Il avait des droits litigieux sur la Provence, qu’il pouvait faire valoir par les armes, au lieu de droits réels qu’un procès lui avait fait perdre. Charles-Quint lui avait promis cet ancien royaume d’Arles, dont la Provence devait faire la principale partie. (1524) Le roi Henri VIII lui donnait cent mille écus par mois cette année pour les frais de la guerre. Il venait de prendre Toulon ; il assiégea Marseille. François Ier avait sans doute à se repentir ; cependant rien n’était désespéré ; le roi avait une armée florissante. Il courut au secours de Marseille, et, ayant délivré la Provence, il s’enfonça encore dans le Milanais. Bourbon alors retournait par l’Italie en Allemagne chercher de nouveaux soldats. François Ier, dans cet intervalle, se crut quelque temps maître de l’Italie.

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CHAPITRE CXXIV.


Prise de François Ier. Rome saccagée. Soliman repoussé. Principautés données. Conquête de Tunis. Question si Charles-Quint voulait la monarchie universelle. Soliman reconnu roi de Perse dans Babylone.


Voici un des plus grands exemples des coups de la fortune, qui n’est autre chose, après tout, que l’enchaînement nécessaire de tous les événements de l’univers. D’un côté, Charles-Quint est occupé dans l’Espagne à régler les rangs et à former l’étiquette ; de l’autre, François Ier, déjà célèbre dans l’Europe par la victoire<section end="124a">