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DE CHARLES-QUINT, ET DE FRANÇOIS Ier.

l’autre avait été captif. On laissa vivre en France, avec une pension modique, ce souverain du plus beau pays de l’Italie.

François, après cette victoire de Marignan et cette conquête du Milanais, était devenu l’allié du pape Léon X, et même celui des Suisses, qui, enfin, aimèrent mieux fournir des troupes aux Français que se battre contre eux. Ses armes forcèrent l’empereur Maximilien à céder aux Vénitiens le Véronais, qui leur est toujours demeuré depuis : il fit donner à Léon X le duché d’Urbin, qui est encore à l’Église. On le regardait donc comme l’arbitre de l’Italie, et le plus grand prince de l’Europe, et le plus digne de l’empire, qu’il briguait après la mort de Maximilien. La renommée ne parlait point encore en faveur du jeune Charles d’Autriche ; ce fut ce qui détermina en partie les électeurs de l’empire à le préférer. Ils craignaient d’être trop soumis à un roi de France : ils redoutaient moins un maître dont les États, quoique plus vastes, étaient éloignés et séparés les uns des autres. (1519) Charles fut donc empereur, malgré les quatre cent mille écus dont François Ier crut avoir acheté des suffrages.

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CHAPITRE CXXIII.


De Charles-Quint et de François Ier. Malheurs de la France.


On connaît quelle rivalité s’éleva dès lors entre ces deux princes. Comment pouvaient-ils n’être pas éternellement en guerre ? Charles, seigneur des Pays-Bas, avait l’Artois et beaucoup de villes à revendiquer ; roi de Naples et de Sicile, il voyait François Ier prêt à réclamer ces États au même titre que Louis XII ; roi d’Espagne, il avait l’usurpation de la Navarre à soutenir ; empereur, il devait défendre le grand fief du Milanais contre les prétentions de la France. Que de raisons pour désoler l’Europe !

Entre ces deux grands rivaux, Léon X veut d’abord tenir la balance ; mais comment le peut-il ? qui choisira-t-il pour vassal, pour roi des Deux-Siciles, Charles ou François ? que deviendra l’ancienne loi des papes, portée dès le XIIIe siècle, « que jamais roi de Naples ne pourra être empereur » ? loi à laquelle Charles d’Anjou s’était soumis, et que les papes regardaient comme la gardienne