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CHAPITRE CXXI.

On vit quelquefois de ces chevaliers partir de leurs pays pour aller chercher un duel dans un autre, sans autre raison que l’envie de se signaler. (1414) On a vu que le duc Jean de Bourbon fit déclarer « qu’il irait en Angleterre avec seize chevaliers combattre à outrance pour éviter l’oisiveté, et pour mériter la grâce de la très-belle dont il est serviteur ».

Les tournois[1] quoique encore condamnés par les papes, étaient partout en usage. On les appelait toujours Ludi Gallici, parce que Geoffroi de Preuilly en avait rédigé les lois au XIe siècle. Il y avait eu plus de cent chevaliers tués dans ces jeux, et ils n’en étaient que plus en vogue. C’est ce qui a été détaillé au chapitre des Tournois.

L’art de la guerre, l’ordonnance des armées, les armes offensives et défensives, étaient tout autres encore qu’aujourd’hui.

L’empereur Maximilien avait mis en usage les armes de la phalange macédonienne, qui étaient des piques de dix-huit pieds : les Suisses s’en servirent dans les guerres du Milanais ; mais ils les quittèrent pour l’espadon à deux mains.

Les arquebuses étaient devenues une arme offensive indispensable contre ces remparts d’acier dont chaque gendarme était couvert. Il n’y avait guère de casque et de cuirasse à l’épreuve de ces arquebuses. La gendarmerie, qu’on appelait la bataille, combattait à pied comme à cheval : celle de France, au XVe siècle, était la plus estimée.

L’infanterie allemande et l’espagnole étaient réputées les meilleures. Le cri d’alarmes était aboli presque partout. Il y a eu des modes dans la guerre comme dans les habillements. Quant au gouvernement des États, je vois des cardinaux à la tête de presque tous les royaumes. C’est en Espagne un Ximénès, sous Isabelle, qui, après la mort de sa reine, est régent du royaume ; qui, toujours vêtu en cordelier, met son faste à fouler sous ses sandales le faste espagnol ; qui lève une armée à ses propres dépens, la conduit en Afrique, et prend Oran ; qui enfin est absolu, jusqu’à ce que le jeune Charles-Quint le renvoie à son archevêché de Tolède, et le fasse mourir de douleur.

On voit Louis XII gouverné par le cardinal d’Amboise ; François Ier a pour ministre le cardinal Duprat ; Henri VIII est pendant vingt ans soumis au cardinal Wolsey, fils d’un boucher, homme aussi fastueux que d’Amboise, qui comme lui voulut être pape, et qui n’y réussit pas mieux. Charles-Quint prit pour son

  1. Voyez le chapitre xcix, des Tournois. (Note de Voltaire.)