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CHAPITRE CXX.

toutes les parties de l’AIlemagne ensemble, en assurait la liberté. La chambre impériale, qui jugeait en dernier ressort, payée par les princes et par les villes, et ne résidant point dans les domaines particuliers du monarque, était encore un appui de la liberté publique. Il est vrai qu’elle ne pouvait jamais mettre ses arrêts à exécution contre de grands princes, à moins que l’Allemagne ne la secondât ; mais cet abus même de la liberté en prouvait l’existence. Cela est si vrai que la cour aulique, qui prit sa forme en 1512, et qui ne dépendait que des empereurs, fut bientôt le plus ferme appui de leur autorité.

L’Allemagne, sous cette forme de gouvernement, était alors aussi heureuse qu’aucun autre État du monde. Peuplée d’une nation guerrière et capable des plus grands travaux militaires, il n’y avait pas d’apparence que les Turcs pussent jamais la subjuguer. Son terrain est assez bon et assez bien cultivé pour que ses habitants n’en cherchassent pas d’autres comme autrefois ; et ils n’étaient ni assez riches, ni assez pauvres, ni assez unis, pour conquérir toute l’Italie.

Mais quel était alors le droit sur l’Italie et sur l’empire romain ? Le même que celui des Othons, et de la maison impériale de Souabe ; le même qui avait coûté tant de sang, et qui avait souffert tant d’altérations depuis que Jean XII, patrice de Rome aussi bien que pape, au lieu de réveiller le courage des anciens Romains, avait eu l’imprudence d’appeler les étrangers. Rome ne pouvait que s’en repentir : et depuis ce temps il y eut toujours une guerre sourde entre l’empire et le sacerdoce, aussi bien qu’entre les droits des empereurs et les libertés des provinces d’Italie. Le titre de César n’était qu’une source de droits contestés, de disputes indécises, de grandeur apparente, et de faiblesse réelle. Ce n’était plus le temps où les Othons faisaient des rois et leur imposaient des tributs. Si le roi de France Louis XII s’était entendu avec les Vénitiens, au lieu de les battre, jamais probablement les empereurs ne seraient revenus en Italie. Mais il fallait nécessairement, par les divisions des princes Italiens, et par la nature du gouvernement pontifical, qu’une grande partie de ce pays fût toujours la proie des étrangers.

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