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CHAPITRE CXIX.

reçut dans son palais, comme un criminel, son arrêt qu’un seul homme désarmé lui signifiait. Il faut conserver à la postérité le nom de ce magistrat : il s’appelait Mons. « Mon nom, disait-il, devrait être écrit sur la porte de tous les méchants princes. » Le Danemark obéit à l’arrêt. Il n’y a point d’exemple d’une révolution si juste, si subite, et si tranquille. (1523) Le roi se dégrada lui-même en fuyant, et se retira en Flandre dans les États de Charles-Quint, son beau-frère, dont il implora longtemps le secours.

Son oncle Frédéric fut élu dans Copenhague roi de Danemark, de Norvége, et de Suède ; mais il n’eut de la couronne de Suède que le titre. Gustave Vasa, ayant pris dans le même temps Stockholm, fut élu roi par les Suédois, et sut défendre le royaume qu’il avait délivré. Christiern, avec son archevêque Troll errant comme lui, fit au bout de quelques années une tentative pour rentrer dans quelques-uns de ses États. Il avait la ressource que donnent toujours les mécontents d’un nouveau règne. Il y en eut en Danemark, il y en eut en Suède. Il passa avec eux en Norvège. Le nouveau roi Gustave commençait à secouer le joug de la religion romaine dans quelques-unes de ses provinces. Le roi Frédéric permettait que les Danois en changeassent. Christiern se déclarait bon catholique ; mais, n’en étant ni meilleur prince, ni meilleur général, ni plus aimé, il ne fit qu’un effort inutile.

Abandonné bientôt de tout le monde, il se laissa mener en Danemark, et finit ses jours en prison (1532). L’empereur Charles-Quint, son beau-frère, qui ébranla l’Europe, ne fut pas assez puissant pour le seconder. L’archevêque Troll, d’une ambition inquiète, ayant armé la ville de Lubeck contre le Danemark, mourut de ses blessures plus glorieusement que Christiern, dignes l’un et l’autre d’une fin plus tragique.

Gustave, libérateur de son pays, jouit assez paisiblement de sa gloire. Il fit le premier connaître aux nations étrangères de quel poids la Suède pouvait être dans les affaires de l’Europe, dans un temps où la politique européane prenait une nouvelle face, où l’on commençait à vouloir établir la balance du pouvoir.

François Ier fit une alliance avec lui, et même, tout luthérien qu’était Gustave, il lui envoya le collier de son ordre malgré les statuts. Gustave, le reste de sa vie, se fit une étude de régler l’État. Il fallut user de toute sa prudence pour que la religion qu’il avait détruite ne troublât pas son gouvernement. Les Dalécarliens, qui l’avaient aidé les premiers à monter sur le trône, furent les premiers à l’inquiéter. Leur rusticité farouche les atta-