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CHAPITRE CXIII.

proposé dans cette assemblée : le président demanda « si le pape avait droit de faire la guerre, quand il ne s’agissait ni de religion, ni du domaine de l’Église » ; et il fut répondu que non. Il est évident qu’on ne proposait pas ce qu’il fallait demander, et qu’on répondait le contraire de ce qu’il fallait répondre : car, en matière de religion et de possession ecclésiastique, si on s’en tient à l’Évangile, un évêque, loin de faire la guerre, ne doit que prier et souffrir ; mais en matière de politique, un souverain de Rome peut et doit assurément secourir ses alliés et venger l’Italie ; et si Jules s’en était tenu là, il eût été un grand prince.

Cette assemblée française répondit plus dignement, en concluant qu’il fallait s’en tenir à la fameuse pragmatique sanction de Charles VII, ne plus envoyer d’argent à Rome, et en lever sur le clergé de France pour faire la guerre au pape, chef romain de ce clergé français.

On commença par se battre vers Bologne et vers le Ferrarois. Jules II avait déjà enlevé Bologne aux Bentivoglio, et il voulait s’emparer de Ferrare. Il détruisait, par ces invasions, son grand dessein de chasser d’Italie les étrangers : car Bologne et Ferrare appelaient nécessairement les Français à leur secours contre lui ; et après avoir voulu être le vengeur de l’Italie, il en devint l’oppresseur. Son ambition, qui l’emportait, plongea l’Italie dans les calamités dont il eût été si glorieux de la tirer. Il préféra ses intérêts aux bienséances, au point de recevoir dans Bologne une nombreuse troupe de Turcs, arrivée avec les Vénitiens pour le défendre contre l’armée française commandée par Chaumont d’Amboise : c’est Paul Jove, évêque de Nocera, témoin oculaire, qui nous instruit de ce fait singulier. Les autres papes avaient armé contre les Turcs. Jules fut le premier qui se servit d’eux ; il fit ce que les Vénitiens avaient voulu faire. On ne pouvait insulter davantage au christianisme, dont il était le premier pontife. On vit ce pape, âgé de soixante et dix ans, assiéger en personne la Mirandole, aller le casque en tête à la tranchée, visiter les travaux, presser les ouvrages, et entrer en vainqueur par la brèche.

(1511) Tandis que le pape, cassé de vieillesse, était sous les armes, le roi de France, encore dans la vigueur de l’âge, assemblait un concile. Il remuait la chrétienté ecclésiastique, et le pape la chrétienté guerrière. Le concile fut indiqué à Pise, où quelques cardinaux, ennemis du pape, se rendirent. Mais le concile du roi ne fut qu’une entreprise vaine, et la guerre du pape fut heureuse.

En vain on fit frapper à Paris quelques médailles, sur lesquelles Louis XII était représenté avec cette devise : Perdam Baby-