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DES DUELS.

L’ancien Coutumier de Normandie dit : « Plainte de meurtre doit être faite ; et si l’accusé nie, il en offre gage... et bataille li doit être ottroyée par justice. »

Il est évident par ces lois qu’un homme accusé d’homicide était en droit d’en commettre deux. On décidait souvent d’une affaire civile par cette procédure sanguinaire. Un héritage était-il contesté, celui qui se battait le mieux avait raison ; et les différends des citoyens se jugeaient, comme ceux des nations, par la force.

Cette jurisprudence eut ses variations comme toutes les institutions ou sages ou folles des hommes. Saint Louis ordonna qu’un écuyer accusé par un vilain pourrait combattre à cheval, et que le vilain accusé par l’écuyer pourrait combattre à pied. Il exempte de la loi du duel les jeunes gens au-dessous de vingt et un ans, et les vieillards au-dessus de soixante.

Les femmes et les prêtres nommaient des champions pour s’égorger en leur nom ; la fortune, l’honneur, dépendaient d’un choix heureux. Il arriva même quelquefois que les gens d’église offrirent et acceptèrent le duel. On les vit combattre en champ clos ; et il paraît, par les constitutions de Guillaume le Conquérant, que les clercs et les abbés ne pouvaient combattre sans la permission de leur évêque : Si clericus duellum sine episcopi licentia susceperit, etc.

Par les établissements de saint Louis, et d’autres monuments rapportés dans du Gange, il paraît que les vaincus étaient quelquefois pendus, quelquefois décapités ou mutilés : c’étaient les lois de l’honneur, et ces lois étaient munies du sceau d’un saint roi qui passe pour avoir voulu abolir cet usage digne des sauvages.

(1168) On avait perfectionné la justice du temps de Louis le Jeune, au point qu’il statua qu’on n’ordonnerait le duel que dans des causes où il s’agirait au moins de cinq sous de ce temps, quinque solidos.

Philippe le Bel publia un grand code de duels. Si le demandeur voulait se battre par procureur, nommer un champion pour défendre sa cause, il devait dire : « Notre souverain seigneur, je proteste et retiens que par loyale essoine de mon corps (c’est-à-dire par faiblesse ou maladie), je puisse avoir un gentilhomme mon avoué, qui en ma présence, si je puis, ou en mon absence, à l’aide de Dieu, de Notre-Dame et de monseigneur saint George, fera son loyal devoir à mes coûts et dépens, etc. »

Les deux parties adverses, ou bien leurs champions, compa-