Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
CHAPITRE XCVIII.

qu’en Italie il y a beaucoup plus de marquis et de comtes que de seigneurs féodaux.

En France, quand Philippe le Bel eut établi le tribunal appelé parlement, les seigneurs de fiefs qui siégeaient en cette cour furent obligés de s’aider du secours des clercs tirés ou de la condition servile, ou du corps des francs, grands et petits bourgeois. Ces clercs prirent bientôt les titres de chevaliers et de bacheliers, à l’imitation de la noblesse ; mais ce nom de chevalier, qui leur était donné par les plaideurs, ne les rendait pas nobles à la cour, puisque l’avocat général Pastourel et le chancelier Dormans furent obligés de prendre des lettres de noblesse. Les étudiants des universités s’intitulaient bacheliers après un examen, et prirent la qualité de licenciés après un autre examen, n’osant prendre le titre de chevaliers.

Il paraît que c’eût été une grande contradiction que les gens de loi qui jugeaient les nobles ne jouissent pas des droits de la noblesse : cependant cette contradiction subsistait partout ; mais en France ils jouirent des mêmes exemptions que les nobles pendant leur vie. Il est vrai que leurs droits ne s’étendaient pas jusqu’à prendre séance aux états généraux en qualité de seigneurs de fiefs, de porter un oiseau sur le poing, de servir de leur personne à la guerre, mais seulement de ne point payer la taille, de s’intituler messire.

Le défaut de lois bien claires et bien connues, la variation des usages et des lois fut toujours ce qui caractérisa la France. L’état de la robe fut longtemps incertain. Les cours de justice, que les Français ont appelées parlements, jugèrent souvent des procès concernant le droit de noblesse que prétendaient les enfants des officiers de robe. Le parlement de Paris jugea que les enfants de Jean Le Maître, avocat du roi, devaient partager noblement (1540). Il rendit ensuite un arrêt semblable en faveur d’un conseiller nommé Ménager (1578) ; mais les jurisconsultes eurent des opinions différentes sur ces droits que l’usage attachait insensiblement à la robe. Louet, conseiller au parlement, prétendit que les enfants des magistrats devaient partager en roture ; qu’il n’y avait que les petits-fils qui pussent jouir du droit d’aînesse des gentilshommes.

Les avis des jurisconsultes ne furent pas des décisions pour la cour. Henri III déclara par un édit « qu’aucun, sinon ceux de maison et race noble, ne prendrait dorénavant le titre de noble et le nom d’écuyer » (1582).

(1600) Henri IV fut moins sévère et plus juste lorsque dans l’édit du règlement des tailles il déclara, quoique en termes très-