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DES RITES ÉGYPTIENS, ET DE LA CIRCONCISION.

Cette opinion d’une résurrection après dix siècles passa depuis chez les Grecs, disciples des Égyptiens, et chez les Romains, disciples des Grecs. On la retrouve dans le sixième livre de l’Énéide, qui n’est que la description des mystères d’Isis et de Cérés Éleusine[1].



Has omnes, ubi mille rotam volvere per annos
Lethæum ad fluvium Deus evocat, agmine magno ;
Scilicet immemores supera ut convexa revisant,
Rursus et incipiant in corpora velle reverti.

Virg., Énéide, liv. VI, v. 748.

Elle s’introduisit ensuite chez les chrétiens, qui établirent le règne de mille ans ; la secte des millénaires l’a fait revivre jusqu’à nos jours. C’est ainsi que plusieurs opinions ont fait le tour du monde. En voilà assez pour faire voir dans quel esprit on bâtit ces pyramides. Ne répétons pas ce qu’on a dit sur leur architecture et sur leurs dimensions ; je n’examine que l’histoire de l’esprit humain.

xxii. — Des rites égyptiens, et de la circoncision.

Premièrement, les Égyptiens reconnurent-ils un Dieu suprême ? Si l’on eût fait cette question aux gens du peuple, ils n’auraient su que répondre ; si à de jeunes étudiants dans la théologie égyptienne, ils auraient parlé longtemps sans s’entendre ; si à quelqu’un des sages consultés par Pythagore, par Platon, par Plutarque, il eût dit nettement qu’il n’adorait qu’un Dieu. Il se serait fondé sur l’ancienne inscription de la statue d’Isis : « Je suis ce qui est ; » et cette autre : « Je suis tout ce qui a été et qui sera ; nul mortel ne pourra lever mon voile. » Il aurait fait remarquer le globe placé sur la porte du temple de Memphis, qui représentait l’unité de la nature divine sous le nom de Knef. Le nom même le plus sacré parmi les Égyptiens était celui que les Hébreux adoptèrent, I ha ho. On le prononce diversement ; mais Clément d’Alexandrie assure, dans ses Stromates, que ceux qui entraient dans le temple de Sérapis étaient obligés de porter sur eux le nom de I ha ho, ou bien de I ha hou, qui signifie le Dieu éternel. Les Arabes n’en ont retenu que la syl-

  1. Voyez le Dictionnaire philosophique, article Initiation. (Note de Voltaire.) — Voltaire y déclare se dédire de l’opinion qu’il émet ici.