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GRAND SCHISME D’OCCIDENT.

diamant. Pierre de Capoue, son confesseur, qui a écrit sa vie, avait vu la plupart de ses miracles. « J’ai été témoin, dit-il, qu’elle fut un jour transformée en homme, avec une petite barbe au menton ; et cette figure en laquelle elle fut subitement changée était celle de Jésus-Christ même. » Telle était l’ambassadrice que les Florentins députèrent. On employait d’un autre côté les révélations de sainte Brigite, née en Suède, mais établie à Rome, et à laquelle un ange dicta plusieurs lettres pour le pontife. Ces deux saintes, divisées sur tout le reste, se réunirent pour ramener le pape à Rome. Brigite était la sainte des cordeliers, et la Vierge lui révélait qu’elle était née immaculée ; mais Catherine était la sainte des dominicains, et la Vierge lui révélait qu’elle était née dans le péché. Tous les papes n’ont pas été des hommes de génie. Grégoire était-il simple ? fut-il ému par des machines proportionnées à son entendement ? se conduisit-il par politique ou par faiblesse ? Il céda enfin, et le saint-siége fut transféré d’Avignon à Rome au bout de soixante-douze ans ; mais ce ne fut que pour plonger l’Europe dans de nouvelles dissensions.

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CHAPITRE LXXI.


Grand schisme d’Occident.


Le saint-siége ne possédait alors que le patrimoine de Saint-Pierre en Toscane, la campagne de Rome, le pays de Viterbe et d’Orviette, la Sabine, le duché de Spolette, Bénévent, une petite partie de la marche d’Ancône : toutes les contrées réunies depuis à son domaine étaient à des seigneurs vicaires de l’empire ou du siége papal. Les cardinaux s’étaient mis depuis 1138 en possession d’exclure le peuple et le clergé de l’élection des pontifes, et depuis 1216 il fallait avoir les deux tiers des voix[1] pour être canoniquement élu. Il n’y avait à Rome, au temps dont je parle,

  1. L’auteur de l’Essai historique sur la puissance temporelle des papes dit que ce fut Nicolas II (pape de 1059 à 1061) qui créa le collége électoral des cardinaux ; mais il fait honneur de cette création à Hildebrand, depuis Grégoire VII, alors conseiller du pape Nicolas. Ce fut Alexandre III (pape de 1159 à 1181) qui régla que l’élection serait consommée par la réunion des deux tiers des suffrages sur le même candidat. (B.)