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CHAPITRE XLIX.

divisions de l’Allemagne que les empereurs n’avaient fait de celles d’Italie.

Innocent III, fils d’un gentilhomme d’Agnani, près de Rome, bâtit enfin l’édifice de la puissance temporelle dont ses prédécesseurs avaient amassé les matériaux pendant quatre cents ans. Excommunier Philippe, vouloir détrôner le jeune Frédéric, prétendre exclure à jamais du trône d’Allemagne et d’Italie cette maison de Souabe si odieuse aux papes, se constituer juge des rois, c’était le style devenu ordinaire depuis Grégoire VII. Mais Innocent III ne s’en tint pas à ces formules. L’occasion était trop belle ; il obtint ce qu’on appelle le patrimoine de Saint-Pierre, si longtemps contesté. C’était une partie de l’héritage de la fameuse comtesse Mathilde.

La Romagne, l’Ombrie, la Marche d’Ancône, Orbitello, Viterbe, reconnurent le pape pour souverain. Il domina en effet d’une mer à l’autre. La république romaine n’en avait pas tant conquis dans ses quatre premiers siècles, et ces pays ne lui valaient pas ce qu’ils valaient aux papes. Innocent III conquit même Rome : le nouveau sénat plia sous lui, il fut le sénat du pape et non des Romains. Le titre de consul fut aboli. Les pontifes de Rome commencèrent alors à être rois en effet ; et la religion les rendait, suivant les occurrences, les maîtres des rois. Cette grande puissance temporelle en Italie ne fut pas de durée.

C’était un spectacle intéressant que ce qui se passait alors entre les chefs de l’Église, la France, l’Allemagne, et l’Angleterre. Rome donnait toujours le mouvement à toutes les affaires de l’Europe. Vous avez vu les querelles du sacerdoce et de l’empire jusqu’au pape Innocent III, et jusqu’aux empereurs Philippe, Henri, et Othon, pendant que Frédéric II était jeune encore. Il faut jeter les yeux sur la France, sur l’Angleterre, et sur les intérêts que ces royaumes avaient à démêler avec l’Allemagne.

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