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CHAPITRE XXXVII.

longtemps avant les deux autres, on lui laissa, par un accord solennel, la jouissance du tribut que l’Angleterre payait alors à Rome, qu’on appelait le denier de saint Pierre, et auquel un roi saxon d’Angleterre, nommé Ételvolft, Édelvolf, ou Éthelulfe, s’était soumis en 852.

Ce Gratien, qui prit le nom de Grégoire VI, jouissait paisiblement du pontificat, lorsque l’empereur Henri III, fils de Conrad II le Salique, vint à Rome.

Jamais empereur n’y exerça plus d’autorité. Il exila Grégoire VI, et nomma pape Suidger, son chancelier, évéque de Bamberg, sans qu’on osât murmurer.

(1048) Après la mort de cet Allemand, qui, parmi les papes, est appelé Clément II, l’empereur, qui était en Allemagne, y créa pape un Bavarois, nommé Popon : c’est Damase II, qui, avec le brevet de l’empereur, alla se faire reconnaître à Rome. Il fut intronisé, malgré ce Benoît IX qui voulait encore rentrer dans la chaire pontificale après l’avoir vendue.

Ce Bavarois étant mort vingt-trois jours après son intronisation, l’empereur donna la papauté à son cousin Brunon, de la maison de Lorraine, qu’il transféra de l’évêché de Toul à celui de Rome, par une autorité absolue. Si cette autorité des empereurs avait duré, les papes n’eussent été que leurs chapelains, et l’Italie eût été esclave.

Ce pontife prit le nom de Léon IX ; on l’a mis au rang des saints. Nous le verrons à la tête d’une armée combattre les princes normands fondateurs du royaume de Naples, et tomber captif entre leurs mains.

Si les empereurs eussent pu demeurer à Rome, on voit par la faiblesse des Romains, par les divisions de l’Italie, et par la puissance de l’Allemagne, qu’ils eussent été toujours les souverains des papes, et qu’en effet il y aurait eu un empire romain. Mais ces rois électifs d’Allemagne ne pouvaient se fixer à Rome, loin des princes allemands trop redoutables à leurs maîtres. Les voisins étaient toujours prêts à envahir les frontières. Il fallait combattre tantôt les Danois, tantôt les Polonais et les Hongrois. C’est ce qui sauva quelque temps l’Italie d’un joug contre lequel elle se serait en vain débattue.

Jamais Rome et l’Église latine ne furent plus méprisées à Constantinople que dans ces temps malheureux. Luitprand, l’ambassadeur d’Othon Ier auprès de l’empereur Nicéphore Phocas, nous apprend que les habitants de Rome n’étaient point appelés Romains, mais Lombards, dans la ville impériale. Les évêques