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CHAPITRE XXXI.

église, tout est grec. Ils regardaient les Latins comme des disciples ignorants, révoltés contre leurs maîtres, dont ils ne savaient pas même la langue. Ils nous accusaient d’ignorer le catéchisme, enfin de n’être pas chrétiens.

Les autres sujets d’anathème étaient que les Latins se servaient alors communément de pain non levé pour l’eucharistie, mangeaient des œufs et du fromage en carême, et que leurs prêtres ne se faisaient point raser la barbe. Étranges raisons pour brouiller l’Occident avec l’Orient !

Mais quiconque est juste avouera que Photius était non-seulement le plus savant homme de l’Église, mais un grand évêque. (867) Il se conduisit comme saint Ambroise quand Basile, assassin de l’empereur Michel, se présenta dans l’église de Sophie. « Vous êtes indigne d’approcher des saints mystères, lui dit-il à haute voix, vous qui avez les mains encore souillées du sang de votre bienfaiteur. » Photius ne trouva pas un Théodose dans Basile. Ce tyran fit une chose juste par vengeance. Il rétablit Ignace dans le siège patriarcal, et chassa Photius. (869) Rome profita de cette conjoncture pour faire assembler à Constantinople le huitième concile œcuménique, composé de trois cents évêques. Les légats du pape présidèrent, mais ils ne savaient pas le grec, et parmi les autres évêques, très-peu savaient le latin. Photius y fut universellement condamné comme intrus, et soumis à la pénitence publique. On signa pour les cinq patriarches avant de signer pour le pape, ce qui est fort extraordinaire : car, puisque les légats eurent la première place, ils devaient signer les premiers. Mais, en tout cela, les questions qui partageaient l’Orient et l’Occident ne furent point agitées : on ne voulait que déposer Photius.

Quelque temps après, le vrai patriarche Ignace étant mort, Photius eut l’adresse de se faire rétablir par l’empereur Basile. Le pape Jean VIII le reçut à sa communion, le reconnut, lui écrivit ; et, malgré ce huitième concile œcuménique qui avait anathématisé ce patriarche, (879) le pape envoya ses légats à un autre concile à Constantinople, dans lequel Photius fut reconnu innocent par quatre cents évêques, dont trois cents l’avaient auparavant condamné. Les légats de ce même siège de Rome, qui l’avaient anathématisé, servirent eux-mêmes à casser le huitième concile œcuménique.

Combien tout change chez les hommes ! combien ce qui était faux devient vrai selon les temps ! Les légats de Jean VIII s’écrient en plein concile : « Si quelqu’un ne reconnaît pas Photius, que