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DE L’ITALIE, DES PAPES. ETC.

Malgré tant de désastres, Constantinople fut encore longtemps la ville chrétienne la plus opulente, la plus peuplée, la plus recommandable par les arts. Sa situation seule, par laquelle elle domine sur deux mers, la rendait nécessairement commerçante. La peste de 842, toute destructive qu’elle avait été, ne fut qu’un fléau passager. Les villes de commerce, et où la cour réside, se repeuplent toujours par l’affluence des voisins. Les arts mécaniques et les beaux-arts même ne périssent point dans une vaste capitale qui est le séjour des riches.

Toutes ces révolutions subites du palais, les crimes de tant d’empereurs égorgés les uns par les autres, sont des orages qui ne tombent guère sur des hommes cachés qui cultivent en paix des professions qu’on n’envie point.

Les richesses n’étaient point épuisées : on dit qu’en 857, Théodora, mère de Michel, en se démettant malgré elle de la régence, et traitée à peu près par son fils comme Marie de Médicis le fut de nos jours par Louis XIII, fit voir à l’empereur qu’il y avait dans le trésor cent neuf mille livres pesant d’or, et trois cent mille livres d’argent.

Un gouvernement sage pouvait donc encore maintenir l’empire dans sa puissance. Il était resserré, mais non tout à fait démembré ; changeant d’empereurs, mais toujours uni sous celui qui se revêtait de la pourpre ; enfin plus riche, plus plein de ressources, plus puissant que celui d’Allemagne. Cependant il n’est plus, et l’empire d’Allemagne subsiste encore.

Les horribles révolutions qu’on vient de voir effrayent et dégoûtent ; cependant il faut convenir que depuis Constantin, surnommé le Grand, l’empire de Constantinople n’avait guère été autrement gouverné ; et, si vous en exceptez Julien et deux ou trois autres, quel empereur ne souilla pas le trône d’abominations et de crimes ?


CHAPITRE XXX.

De l’Italie ; des papes ; du divorce de Lothaire, roi de Lorraine ; et des autres affaires de l’Église, aux viiie et ixe siècles.

Pour ne pas perdre le fil qui lie tant d’événements, souvenons-nous avec quelle prudence les papes se conduisirent sous Pepin et sous Charlemagne, comme ils assoupirent habilement les que-