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DE LA RELIGION, DU TEMPS DE CHARLEMAGNE.

Ce patriarche ouvrit le concile. La conduite du pape Adrien est très-remarquable : il n’anathématise pas ce secrétaire d’État qui se fait patriarche ; il proteste seulement avec modestie, dans ses lettres à Irène, contre le titre de patriarche universel ; mais il insiste pour qu’on lui rende les patrimoines de la Sicile[1]. Il redemande hautement ce peu de bien, tandis qu’il arrachait, ainsi que ses prédécesseurs, le domaine utile de tant de belles terres qu’il assure avoir été données par Pepin et par Charlemagne. Cependant le concile œcuménique de Nicée, auquel président les légats du pape et ce ministre patriarche, rétablit le culte des images.

C’est une chose avouée de tous les sages critiques, que les pères de ce concile, qui étaient au nombre de trois cent cinquante, y rapportèrent beaucoup de pièces évidemment fausses, beaucoup de miracles dont le récit scandaliserait dans nos jours, beaucoup de livres apocryphes. Ces pièces fausses ne firent point de tort aux vraies, sur lesquelles on décida.

Mais quand il fallut faire recevoir ce concile par Charlemagne, et par les églises de France, quel fut l’embarras du Pape ! Charles s’était déclaré hautement contre les images. Il venait de faire écrire les livres qu’on nomme Carolins, dans lesquels ce culte est anathématisé. Ces livres sont écrits dans un latin assez pur : ils font voir que Charlemagne avait réussi à faire revivre les lettres ; mais ils font voir aussi qu’il n’y a jamais eu de dispute théologique sans invectives. Le titre même est une injure. « Au nom de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, commence le livre de l’illustrissime et excellentissime Charles, etc., contre le synode impertinent et arrogant tenu en Grèce pour adorer des images. » Le livre était attribué par le titre au roi Charles, comme on met sous le nom des rois les édits qu’ils n’ont point rédigés : il est certain que tous les peuples des royaumes de Charlemagne regardaient les Grecs comme des idolâtres.

Ce prince, en 794, assembla un concile à Francfort, auquel il présida selon l’usage des empereurs et des rois : concile composé de trois cents évêques ou abbés, tant d’Italie que de France, qui rejetèrent d’un consentement unanime le service (servitium) et

  1. Toute cette partie des lettres du pape ne fut pas même lue dans le concile, par ménagement pour Irène et pour Taraise. M. de Voltaire a fort adouci le scandale de la conduite plus politique que religieuse d’Adrien. Voyez Fleuri, et les pièces originales de ces temps barbares, qui ont été recueillies par les érudits des derniers siècles. (K.)