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CHAPITRE  I

mobiles et de fonte, beaucoup supérieure à la leur, n’a point encore été adoptée par eux[1], parce qu’il aurait fallu recevoir l’alphabet, et qu’ils n’ont jamais voulu quitter l’écriture symbolique : tant ils sont attachés à toutes leurs anciennes méthodes.

L’usage des cloches est chez eux de la plus haute antiquité. Nous n’en avons eu en France qu’au vie siècle de notre ère. Ils ont cultivé la chimie ; et, sans devenir jamais bons physiciens, ils ont inventé la poudre ; mais ils ne s’en servaient que dans des fêtes, dans l’art des feux d’artifice, où ils ont surpassé les autres nations. Ce furent les Portugais qui, dans ces derniers siècles, leur ont enseigné l’usage de l’artillerie, et ce sont les jésuites qui leur ont appris à fondre le canon. Si les Chinois ne s’appliquèrent pas à inventer ces instruments destructeurs, il ne faut pas en louer leur vertu, puisqu’ils n’en ont pas moins fait la guerre.

Ils ne poussèrent loin l’astronomie qu’en tant qu’elle est la science des yeux et le fruit de la patience. Ils observèrent le ciel assidûment, remarquèrent tous les phénomènes, et les transmirent à la postérité. Ils divisèrent, comme nous, le cours du soleil en trois cent soixante-cinq parties et un quart. Ils connurent, mais confusément, la précession des équinoxes et des solstices. Ce qui mérite peut-être le plus d’attention, c’est que, de temps immémorial, ils partagent le mois en semaines de sept jours. Les Indiens en usaient ainsi ; la Chaldée se conforma à cette méthode, qui passa dans le petit pays de la Judée ; mais elle ne fut point adoptée en Grèce.

On montre encore les instruments dont se servit un de leurs fameux astronomes, mille ans avant notre ère vulgaire, dans une ville qui n’est que du troisième ordre. Nankin, l’ancienne capitale, conserve un globe de bronze que trois hommes ne peuvent embrasser, porté sur un cube de cuivre qui s’ouvre, et dans lequel on fait entrer un homme pour tourner ce globe, sur lequel sont tracés les méridiens et les parallèles.

Pékin a un observatoire rempli d’astrolabes et de sphères armillaires ; instruments, à la vérité, inférieurs aux nôtres pour l’exactitude, mais témoignages célèbres de la supériorité des Chinois sur les autres peuples d’Asie.

La boussole, qu’ils connaissaient, ne servait pas à son véritable usage de guider la route des vaisseaux. Ils ne naviguaient que près des côtes. Possesseurs d’une terre qui fournit tout, ils n’avaient pas besoin d’aller, comme nous, au bout du monde. La

  1. Il paraît qu’elle ne l’est pas encore. (B.)