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SI LES JUIFS ONT ENSEIGNÉ LES NATIONS.

posée que la dernière. Nous n’en révérons pas moins l’histoire de la chute des anges devenus diables, mais nous ne savons où en trouver l’origine.

On appela diables Belzébuth, Belphégor, Astaroth ; mais c’étaient d’anciens dieux de Syrie. Belphégor était le dieu du mariage ; Belzébuth, ou Bel-se-puth, signifiait le seigneur qui préserve des insectes. Le roi Ochosias même l’avait consulté comme un dieu, pour savoir s’il guérirait d’une maladie ; et Élie, indigné de cette démarche, avait dit : « N’y a-t-il point de Dieu en Israël, pour aller consulter le dieu d’Accaron ? »

Astaroth était la lune, et la lune ne s’attendait pas à devenir diable.

L’apôtre Jude dit encore « que le diable se querella avec l’ange Michaël au sujet du corps de Moïse ». Mais on ne trouve rien de semblable dans le canon des Juifs. Cette dispute de Michaël avec le diable n’est que dans un livre apocryphe, intitulé Analypse de Moïse, cité par Origène dans le IIIe livre de ses Principes.

Il est donc indubitable que les Juifs ne reconnurent point de diables jusque vers le temps de leur captivité à Babylone. Ils puisèrent cette doctrine chez les Perses, qui la tenaient de Zoroastre.

Il n’y a que l’ignorance, le fanatisme, et la mauvaise foi, qui puissent nier tous ces faits, et il faut ajouter que la religion ne doit pas s’effrayer des conséquences. Dieu a certainement permis que la croyance aux bons et aux mauvais génies, à l’immortalité de l’âme, aux récompenses et aux peines éternelles, ait été établie chez vingt nations de l’antiquité avant de parvenir au peuple juif. Notre sainte religion a consacré cette doctrine ; elle a établi ce que les autres avaient entrevu, et ce qui n’était chez les anciens qu’une opinion est devenu par la révélation une vérité divine.


xlix. — Si les Juifs ont enseigné les autres nations, ou s’ils ont été enseignés par elles.

Les livres sacrés n’ayant jamais décidé si les Juifs avaient été les maîtres ou les disciples des autres peuples, il est permis d’examiner cette question.

Philon, dans la relation de sa mission auprès de Caligula, commence par dire qu’Israël est un terme chaldéen ; que c’est un nom que les Chaldéens donnèrent aux justes consacrés à Dieu, qu’Israël signifie voyant Dieu. Il paraît donc prouvé par cela seul