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LE DIMANCHE
OU
LES FILLES DE MINÉE[1]


À MADAME ARNANCHE


(1775)


Vous demandez, madame Arnanche,
Pourquoi nos dévots paysans,
Les cordeliers à la grand’manche,
Et nos curés catéchisants,
Aiment à boire le dimanche ?
J’ai consulté bien des savants.
Huet, cet évêque d’Avranche,
Qui pour la Bible toujours penche,
Prétend qu’un usage si beau
Vient de Noé le patriarche,
Qui, justement dégoûté d’eau,
S’enivrait au sortir de l’arche.
Huet se trompe : c’est Bacchus,
C’est le législateur du Gange,
Ce dieu de cent peuples vaincus.
Cet inventeur de la vendange.
C’est lui qui voulut consacrer
Le dernier jour hebdomadaire

  1. La première édition de ce conte parut sous le nom de M. de La Visclède, secrétaire perpétuel de l’Académie de Marseille ; il était suivi d’une Lettre en prose sous le même nom. (K.) — C’est, je crois, dans sa lettre à Mme  du Deffant, du 17 mai 1775, que Voltaire parle des Filles de Minée. La Lettre de M. de la Visclède, c’est-à-dire écrite sous le nom de cet académicien, ne parut qu’en 1770. (B.)