Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/626

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
616
TRADUCTIONS.

remuer de sa place. Il haletait ; la sueur coulait de tous ses membres, il ne pouvait plus respirer : mal sur mal fondait sur lui.

Dites-moi à présent, muses, habitantes des maisons de l’Olympe, comment le feu prit d’abord aux vaisseaux des Grecs.

Hector, qui était tout auprès, frappa avec sa grande épée la lance de bois de frêne (la lance d’Ajax), et la coupa juste à l’endroit par lequel le bois tenait à la hampe. Ajax Télamon empoigna alors inutilement sa pique mutilée. La hampe d’airain était tombée à terre loin de lui, en retentissant.

Ajax, d’un esprit éclairé, reconnut l’ouvrage des dieux ; et comme Jupiter, foudroyant d’en haut, renversait tous les desseins des Grecs dans la bataille, et décernait la victoire aux Troyens, il se retira donc de la mêlée ; et les Troyens jetèrent de tous côtés des feux sur les vaisseaux agiles ; et la flamme inextinguible s’étendit soudain partout, car le feu environna la poupe.

Alors Achille, s’étant frappé les cuisses, parla ainsi : « Hâte-toi, illustre Patrocle, dompteur de chevaux ; car je vois sur les vaisseaux l’impétuosité d’un feu ennemi : crains que les flammes ne les embrasent tous, et qu’il n’y ait plus ensuite moyen de s’enfuir. Prends les armes incessamment ; et moi j’assemblerai les troupes. »

Il parla ainsi, et Patrocle s’arma d’un brillant airain. Il mit d’abord les bottines autour de ses belles jambes. Ensuite il attacha autour de sa poitrine la cuirasse du prompt Achille, peinte de couleurs diverses, et semée d’étoiles. Il pendit à ses épaules l’épée d’airain enrichie de clous d’argent, et le bouclier vaste et solide. Il mit sur sa forte tête le casque bien battu, dont l’aigrette était de crins de cheval ; et une crête terrible flottait au-dessus d’eux. Il mit dans ses mains deux forts javelots carrés, propres pour elles. Il ne prit point la lance du brillant Achille, grande, pesante, forte, qu’aucun autre des Grecs ne put manier, et que le seul Achille sut lancer. C’était un bois de frêne péliaque, que Chiron avait donné à Pelée, père d’Achille, coupé sur le haut du mont Pélion pour donner un jour la mort aux héros.

Il ordonne à Automédon d’atteler sur-le-champ les chevaux. Il honorait Automédon, après Achille, comme le plus capable de rompre les bataillons ennemis ; car il était fidèle et attentif dans la bataille à soutenir les efforts menaçants des ennemis. Automédon lui amena donc sous le joug Xante et Balie, chevaux impétueux qui égalaient les vents à la course. La harpie Podarge les avait conçus du vent Zéphyre, un jour qu’elle paissait dans un