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COMMENCEMENT


du


SEIZIÈME LIVRE DE L’ILIADE
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TRADUCTION LITTÉRALE


de la rapsodie[1] de l’iliade, intitulée


PATROCLÉE.


C’est ainsi qu’ils combattaient autour des vaisseaux garnis de bancs de rameurs. Mais Patrocle était auprès d’Achille pasteur des peuples, pleurant à chaudes larmes, comme une fontaine noire qui, du haut d’un rocher, répand son eau noire. Le divin Achille, puissant des pieds, eut pitié de lui ; et élevant la voix avec des paroles qui avaient des ailes, lui dit : « Patrocle, pourquoi pleures-tu comme une petite fille qui, courant avec sa mère, la prie de la prendre entre ses bras, la retient par sa robe, tandis que sa mère se hâte de marcher, et qui la regarde en pleurant, jusqu’à ce que la mère l’ait mise dans ses bras ? Semblable à elle, ô Patrocle, tu répands des larmes molles ! Apportes-tu des nouvelles aux Myrmidons ou à moi-même ? As-tu écouté quelque messager de Phthie ? Ils disent pourtant que Ménestée ton père, fils d’Actor, est vivant ; et qu’Æacide Pelée est parmi les Myrmidons. Certes, s’ils étaient morts, nous nous attristerions. Pleures-tu pour les Grecs, parce qu’on les tue vers leurs vaisseaux creux, à cause de leur injustice ? Parle, ne me cache rien ; nous ne sommes que nous deux. »

Tu soupiras alors profondément, ô Patrocle, bon écuyer ! tu

  1. C’est le titre qui fut donné à l’Iliade dans toutes les anciennes éditions. (Note de Voltaire.)