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De la tirer de son maudit pays.
« Je veux aller à la sphère divine :
Faites-moi voir votre beau paradis ;
Je ne saurais supporter ma famille,
Ni mes amis. J’aime assez ce qui brille,
Le beau, le rare ; et je ne puis jamais
Me trouver bien que dans votre palais ;
C’est un goût vif dont je me sens coiffée.
— Très-volontiers, » dit l’indulgente fée.
Tout aussitôt dans un char lumineux
Vers l’orient la belle est transportée.
Le char volait ; et notre dégoûtée,
Pour être en l’air, se croyait dans les cieux.
Elle descend au séjour magnifique
De la marraine. Un immense portique,
D’or ciselé dans un goût tout nouveau,
Lui parut riche et passablement beau ;
Mais ce n’est rien quand on voit le château.
Pour les jardins, c’est un miracle unique ;
Marly, Versaille, et leurs petits jets d’eau,
N’ont rien auprès qui surprenne et qui pique.
La dédaigneuse, à cette œuvre angélique,
Sentit un peu de satisfaction.
Aline dit : « Voilà votre maison ;
Je vous y laisse un pouvoir despotique,
Commandez-y. Toute ma nation
Obéira sans aucune réplique.
J’ai quatre mots à dire en Amérique,
Il faut que j’aille y faire quelques tours ;
Je reviendrai vers vous en peu de jours.
J’espère au moins, dans ma douce retraite,
Vous retrouver l’âme un peu satisfaite. »
Aline part. La belle en liberté
Reste et s’arrange au palais enchanté,
Commande en reine, ou plutôt en déesse.
De cent beautés une foule s’empresse
À prévenir ses moindres volontés.
A-t-elle faim ? cent plats sont apportés ;
De vrai nectar la cave était fournie,
Et tous les mets sont de pure ambroisie ;
Les vases sont du plus fin diamant.
Le repas fait, on la mène à l’instant