La Sorbonne, en latin, mais non sans solécismes,
Soutiendra que ta muse a besoin d’exorcismes ;
Qu’il n’est de gens de bien que nous et nos amis ;
Que l’enfer, grâce à Dieu, t’est pour jamais promis.
Dispensateurs fourrés de la vie éternelle,
lis ont rôti Trajan et bouilli Marc-Aurèle.
Ils t’en feront autant, et, partout condamné,
Tu ne seras venu que pour être damné.
Le monde en factions dès longtemps se partage ;
Tout peuple a sa folie ainsi que son usage :
Ici les Ottomans, bien sûrs que l’Éternel
Jadis à Mahomet députa Gabriel,
Vont se laver le coude aux bassins des mosquées[1] ;
Plus loin du grand lama les reliques musquées[2]
Passent de son derrière au cou des plus grands rois.
Quand la troupe écarlate à Rome a fait un choix,
L’élu, fût-il un sot, est dès lors infaillible.
Dans l’Inde le Veidam, et dans Londres la Bible[3]
À l’hôpital des fous ont logé plus d’esprits
Que Grisel[4] n’a trouvé de dupes à Paris.
Monarque, au nez camus, des fertiles rivages
Peuplés, à ce qu’on dit, de fripons et de sages,
Règne en paix, fais des vers, et goûte de beaux jours ;
Tandis que, sans argent, sans amis, sans secours.
Le Mogol est errant dans l’Inde ensanglantée,
Que d’orages nouveaux la Perse est agitée,
Qu’une pipe à la main, sur un large sofa
Mollement étendu, le pesant Moustapha
Voit le Russe entasser des victoires nouvelles
Des rives de l’Araxe au bord des Dardanelles,
Et qu’un bacha du Caire à sa place est assis
Sur le trône où les chats régnaient avec Isis[5].
- ↑ Il est ordonné aux musulmans de commencer l’ablution par le coude. Les prêtres catholiques ne se lavent que les trois doigts. (Note de Voltaire, 1771.)
- ↑ Il est très-vrai que le grand lama distribue quelquefois sa chaise percée à ses adorateurs. (Id., 1771.)
- ↑ Il n’y a point de pays où il y ait eu plus de disputes sur la Bible qu’à Londres, et où les théologiens aient débité plus de rêveries, depuis Prinn jusqu’à Warburton. (Id., 1771.)
- ↑ Grisel, fameux dans le métier de directeur, (Id., 1771.) — Voyez t. VIII, p. 536.
- ↑ Variante :
Au trône où les Hébreux ont vu régner Isis.