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Jean-Jacque, assez connu par ses témérités,
En nouveau Diogène aboie à nos beautés.
Il leur a préféré l’innocente faiblesse,
Les faciles appas de sa grosse Suissesse,
Qui, contre son amant ayant peu combattu,
Se défait d’un faux germe, et garde sa vertu.
« Mais nos dames, dit-il, sont fausses et galantes,
Sans esprit, sans pudeur, et fort impertinentes ;
Elles ont l’air hautain, mais l’accueil familier,
Le ton d’un petit-maître, et l’œil d’un grenadier. »
Ô le méchant esprit ! gardez-vous bien de lire
De ce grave insensé l’insipide délire.
Auteurs mieux élevés, fêtez dans vos écrits
Les dames de Versaille et celles de Paris.
Étudiez leur goût : vous trouverez chez elles
De l’esprit sans effort, des grâces naturelles,
De l’art de converser les naïves douceurs,
L’honnête liberté qui réforma nos mœurs,
Et tous ces agréments que souvent Polymnie
Dédaigna d’accorder aux hommes de génie.
Ne connaissez-vous point une femme de bien,
Aimable en ses propos, décente en son maintien,
Belle sans être vaine, instruite, et pourtant sage ?
Elle n’est pas pour vous ; mais briguez son suffrage.
Après un tel portrait cherchez-vous encor plus ?
Avec tous les attraits vous faut-il des vertus ?
Faites-vous présenter par certain secrétaire
Chez certaine beauté dont le nom doit se taire ;
C’est Vénus-Uranie, épouse du dieu Mars[1].
C’est elle dont l’esprit anime les beaux-arts ;
Non celle qu’on voyait, sous le fils de Cynire,
De son fripon d’enfant suivant l’injuste empire,
Entre Adonis et Mars partager ses faveurs.
Il est vrai qu’en sa cour il est très-peu d’auteurs ;
Dans les palais des dieux elle vit retirée.
Vénus est philosophe au sein de l’empyrée :
Mais sa philosophie est de faire du bien ;
Elle exige surtout que je n’en dise rien.
Sur mille infortunés que sa bonté console

  1. Cette Vénus-Uranie doit être Mme  de Choiseul, dont le mari était alors ministre de la guerre.