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Si dans votre fertile champ
Tant de fleurs s’empressent d’éclore,
Lorsque mon terrain languissant
Est dégarni des dons de Flore ;
Si votre voix jeune et sonore
Prélude d’un ton si touchant,
Quand je fredonne à peine encore
Les restes d’un lugubre chant ;
Si des Grâces, qu’en vain j’implore,
Vous devenez l’heureux amant ;
Et si ma vieillesse déplore
La perte de cet art charmant
Dont le dieu des vers vous honore ;
Tout cela peut m’humilier :
Mais je n’y vois point de remède ;
Il faut bien que l’on me succède,
Et j’aime en vous mon héritier.




ÉPÎTRE XCIX.


À MONSIEUR DE CHABANON,
QUI, DANS UNE PIÈCE DE VERS, EXHORTAIT L’AUTEUR À QUITTER L’ÉTUDE DE LA MÉTAPHYSIQUE POUR LA POÉSIE.


27 auguste 1766.


Aimable amant de Polymnie,
Jouissez de cet âge heureux
Des voluptés et du génie[1] ;
Abandonnez-vous à leurs feux :
Ceux de mon âme appesantie
Ne sont qu’une cendre amortie,
Et je renonce à tous vos jeux.
La fleur de la saison passée
Par d’autres fleurs est remplacée.
Une sultane avec dépit,

  1. Chabanon avait alors trente-six ans.