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ÉPÎTRE XCVI.


À HENRI IV,
SUR CE QU’ON AVAIT ÉCRIT À L’AUTEUR QUE PLUSIEURS CITOYENS DE PARIS S’ÉTAIENT MIS À GENOUX DEVANT LA STATUE ÉQUESTRE DE CE PRINCE PENDANT LA MALADIE DU DAUPHIN[1].


(1766)


Intrépide soldat, vrai chevalier, grand homme,
Bon roi, fidèle ami, tendre et loyal amant,
Toi que l’Europe a plaint d’avoir fléchi sous Rome,
Sans qu’on osât blâmer ce triste abaissement,
Henri, tous les Français[2] adorent ta mémoire :
Ton nom devient plus cher et plus grand chaque jour ;
Et peut-être autrefois quand j’ai chanté ta gloire
Je n’ai point dans les cœurs affaibli tant d’amour.
Un des beaux rejetons de ta race chérie,
Des marches de ton trône au tombeau descendu,
Te porte, en expirant, les vœux de ta patrie,
Et les gémissements de ton peuple éperdu.
Lorsque la Mort sur lui levait sa faux tranchante,
On vit de citoyens une foule tremblante
Entourer ta statue et la baigner de pleurs ;
C’était là leur autel, et, dans tous nos malheurs,
On t’implore aujourd’hui[3] comme un dieu tutélaire.
La fille qui naquit aux chaumes de Nanterre,
Pieusement célèbre en des temps ténébreux[4] ;

  1. Le dauphin, père de Louis XVI, Louis XVIII, et Charles X, est mort le 20 décembre 1765. L’Épître à Henri IV est de janvier 1766 ; elle est imprimée dans le Journal encyclopédique du 1er février, sauf quelques vers que supprimèrent les éditeurs. Les vers supprimés sont les 3e, 4e, 18e, 19e, 20e, 21e, la fin du 25e, et le 26e. (B.)
  2. Variante :
    Henri, tous nos Français.
  3. Variante :
    Nous t’implorons encor.
  4. Variante :
    Pieusement célèbre en des temps ténébreux,
    A vu sans s’alarmer qu’on t’adressât des vœux.
    Elle-même avec nous t’eût rendu cet hommage ;