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Ressemblent en un point à notre commun maître :
C’est qu’ils font comme lui le mal et le bien-être ;
Ils ont les deux tonneaux. Bouchez-moi pour jamais
Le tonneau des dégoûts, des chagrins, des caprices,
Dont on voit tant de cours s’abreuver à longs traits :
Répandez de pures délices
Sur votre peu d’élus à vos banquets admis ;
Que leurs fronts soient sereins, que leurs cœurs soient unis ;
Au feu de votre esprit que notre esprit s’éclaire ;
Que sans empressement nous cherchions à vous plaire ;
Qu’en dépit de la majesté,
Notre agréable Liberté,
Compagne du Plaisir, mère de la Saillie,
Assaisonne avec volupté
Les ragoûts de votre ambrosie.
Les honneurs rendent vain, le plaisir rend heureux.
Versez les douceurs de la vie
Sur votre Olympe sablonneux,
Et que le bon tonneau soit à jamais sans lie[1].




ÉPÎTRE LXXXV.


L’AUTEUR[2]
ARRIVANT DANS SA TERRE, PRÈS DU LAC DE GENÈVE.


Mars 1755.


Ô maison d’Aristippe ! ô jardins d’Épicure !
Vous qui me présentez, dans vos enclos divers,

  1. Le bon tonneau fut loin de rester sans lie ; et Voltaire abandonnait bientôt après l’Olympe sablonneux du Brandebourg. (G. A.)
  2. Cette pièce, le plus beau chant de liberté que Voltaire ait jamais écrit, a été imprimée séparément en 1755, dans les formats in-4o et in-8o. On imprima une Réponse à M. de Voltaire, en soixante-dix vers de huit syllabes, et une Réponse à l’épître de M. de V*** en arrivant dans sa terre près du lac de Genève, en mars 1755. Cette dernière n’a que vingt-trois vers de mesure inégale, et commence ainsi :
    Ô maison de V***, et non pas d’Épicure,
    Vous renfermez une tête à l’envers.

    Elle a quelquefois été imprimée à la suite de l’épître de Voltaire. Grimm, qui l’a comprise dans sa Correspondance littéraire (juillet 1755), l’attribue à Voisenon. (B.)