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ÉPÎTRE LXXVII.


À MONSIEUR LE PRÉSIDENT HÉNAULT.


Lunéville, novembre 1748.


Vous qui de la chronologie[1]
Avez réformé les erreurs ;
Vous dont la main cueillit les fleurs
De la plus belle poésie ;
Vous qui de la philosophie
Avez sondé les profondeurs,
Malgré les plaisirs séducteurs
Qui partagèrent votre vie ;
Hénault, dites-moi, je vous prie,
Par quel art, par quelle magie,
Parmi tant de succès flatteurs,
Vous avez désarmé l’Envie :
Tandis que moi, placé plus bas,
Qui devrais être inconnu d’elle.
Je vois chaque jour la cruelle
Verser ses poisons sur mes pas ?
Il ne faut point s’en faire accroire ;
J’eus l’air de me faire afficher

  1. Cette épître commençait ainsi :
    Hénault, fameux par vos soupés,
    Et par votre chronologie,
    Par des vers au bon coin frappés,
    Pleins de douceur et d’harmonie ;
    Vous qui dans l’étude occupez
    L’heureux loisir de votre vie,
    Daignez m’apprendre, je vous prie,
    Par quel secret vous échappez
    Aux malignités de l’Envie ;
    Tandis que moi, placé plus bas,
    Qui devrais être inconnu d’elle,
    Je vois que sa rage éternelle
    Répand son poison sur mes pas.
    Il ne faut point, etc.
    Le président Hénault fut blessé de ce qu’on paraissait faire entrer ses soupers pour quelque chose dans sa réputation, et se fâcha sérieusement. M. de Voltaire changea sur-le-champ les premiers vers de sa pièce. (K.)

    — Voyez la lettre du 3 janvier 1749.