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Si je peignais ce soutien de nos armes,
Ce petit-fils, ce rival de Condé ;
Du dieu des vers si j’étais secondé,
Comme il le fut par le dieu des alarmes,
Plus d’un censeur, encore avec dépit,
M’accuserait d’en avoir trop peu dit.
Très-peu de gré, mille traits de satire,
Sont le loyer de quiconque ose écrire :
Mais pour le prince il faut savoir souffrir :
Il est partout des risques à courir ;
Et la censure, avec plus d’injustice,
Va tous les jours acharner sa malice
Sur des héros dont la fidélité
L’a mieux servi que je ne l’ai chanté[1].
Allons, parlez, ma noble Académie :
Sur vos lauriers êtes-vous endormie ?
Représentez ce conquérant humain
Offrant la paix, le tonnerre à la main.
Ne louez point, auteurs, rendez justice ;
Et, comparant aux siècles reculés
Le siècle heureux, les jours dont vous parlez,
Lisez César, vous connaîtrez Maurice[2].
Si de l’État vous aimez les vengeurs,
Si la patrie est vivante en vos cœurs,
Voyez ce chef dont l’active prudence
Venge à la fois Gênes, Parme, et la France,
Chantez Belle-Isle ; élevez dans vos vers
Un monument au généreux Boufflers[3] ;
Il est du sang qui fut l’appui du trône :
Il eût pu l’être ; et la faux du trépas

  1. Variante :
    L’a mieux servi que je ne l’ai chanté.
    Auteurs du temps, rompez donc le silence,
    Osez sortir d’une morne indolence ;
    Quand Louis vole à des périls nouveaux,
    Si les Latours ainsi que les Vanloos
    Peignent ses traits qu’un peuple heureux adore,
    Peignez son âme, elle est plus belle encore.
    Représentez, etc.
  2. Maurice, comte de Saxe. (Note de Voltaire, 1756.)
  3. Le duc de Boufflers, arrivé le 1er mai à Gênes pour y commander les troupes destinées à secourir cette république contre les Impériaux, après s’être signale en diverses occasions, et avoir remporté de grands avantages sur les Autrichiens, tomba malade de la petite vérole, et mourut le 2 juillet 1747, à quarante-deux ans. (B.)