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Dans ses lettres m’avait prédit.
Vous penserez que je l’ai vue,
Quand je vous en dis tant de bien,
Et que je l’ai même entendue :
Je vous jure qu’il n’en est rien,
Et que ma muse peu connue,
En vous répétant dans ces vers
Cette vérité toute nue,
N’est que l’écho de l’univers.
Une dauphine est entourée,
Et l’étiquette est son tourment.
J’ai laissé passer prudemment
Des paniers la foule titrée,
Qui remplit tout l’appartement
De sa bigarrure dorée[1].
Virgile était-il le premier
À la toilette de Livie ?
Il laissait passer Cornélie,
Les ducs et pairs, le chancelier,
Et les cordons bleus d’Italie,
Et s’amusait sur l’escalier
Avec Tibulle et Polymnie.
Mais à la fin j’aurai mon tour :
Les dieux ne me refusent guère ;
Je fais aux Grâces chaque jour
Une très-dévote prière.
Je leur dis : « Filles de l’Amour,
Daignez, à ma muse discrète
Accordant un peu de faveur.
Me présenter à votre sœur
Quand vous irez à sa toilette. »
Que vous dirai-je maintenant
Du dauphin, et de cette affaire
De l’amour et du sacrement ?

  1. Variante :
    J’ai laissé passer prudemment
    Des paniers la foule dorée,
    Qui remplit tout l’appartement ;
    Et cinq cents dames qui peut-être,
    S’approchant pour la censurer,
    Se sont mises à l’adorer
    Dès qu’elles ont pu la connaître.
    Virgile, etc.