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Le zèle a beau parler, vous n’avez pu le croire.
Rebelle aux médecins, et fidèle à la gloire,
Vous bravez l’ennemi, les assauts, les saisons,
Le poids de la fatigue, et le feu des canons.
Tout l’État en frémit, et craint votre courage.
Vos ennemis, grand roi, le craignent davantage.
Ah ! n’effrayez que Vienne, et rassurez Paris !
Rendez, rendez la joie à vos peuples chéris ;
Rendez-nous ce héros qu’on admire et qu’on aime.
Un sage nous a dit que le seul bien suprême,
Le seul bien qui du moins ressemble au vrai bonheur,
Le seul digne de l’homme, est de toucher un cœur.
Si ce sage eut raison, si la philosophie
Plaça dans l’amitié le charme de la vie,
Quel est donc, justes dieux ! le destin d’un bon roi,
Qui dit, sans se flatter : « Tous les cœurs sont à moi ? »
À cet empire heureux qu’il est beau de prétendre !
Vous qui le possédez, venez, daignez entendre
Des bornes de l’Alsace aux remparts de Paris
Ce cri que l’amour seul forme de tant de cris.
Accourez, contemplez ce peuple dans la joie,
Bénissant le héros que le ciel lui renvoie.
Ne le voyez-vous pas tout ce peuple à genoux,
Tous ces avides yeux qui ne cherchent que vous,
Tous nos cœurs enflammés volant sur notre bouche ?
C’est là le vrai triomphe, et le seul qui vous touche.
Cent rois au Capitole en esclaves traînés,
Leurs villes, leurs trésors, et leurs dieux enchaînés,
Ces chars étincelants, ces prêtres, cette armée,
Ce sénat insultant à la terre opprimée,
Ces vaincus envoyés du spectacle au cercueil,
Ces triomphes de Rome étaient ceux de l’orgueil :
Le vôtre est de l’amour, et la gloire en est pure ;
Un jour les effaçait, le vôtre à jamais dure ;
Ils effrayaient le monde, et vous le rassurez.
Vous, l’image des dieux sur la terre adorés,
Vous que dans l’âge d’or elle eût choisi pour maître,
Goûtez les jours heureux que vos soins font renaître !
Que la paix florissante embellisse leur cours !
Mars fait des jours brillants, la paix fait les beaux jours.
Qu’elle vole à la voix du vainqueur qui l’appelle,
Et qui n’a combattu que pour nous et pour elle !