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Du bonheur de l’Europe entière,
S’ils sont toujours entrelacés[1].
Quels seront les heureux poëtes,
Les chantres boursouflés des rois,
Qui pourront élever leurs voix,
Et parler de ce que vous faites ?
C’est à vous seul de vous chanter,
Vous qu’en vos mains j’ai vu porter
La lyre, et la lance d’Achille ;
Vous qui, rapide en votre style
Comme dans vos exploits divers,
Faites de la prose et des vers
Comme vous prenez une ville.
D’Horace heureux imitateur,
Sa gaîté, son esprit, sa grâce,
Ornent votre style enchanteur ;
Mais votre muse le surpasse
Dans un point cher à notre cœur :
L’empereur protégeait Horace,
Et vous protégez l’empereur[2].
Fils de Mars et de Calliope,
Et digne de ces deux grands noms,
Faites le destin de l’Europe,
Et daignez faire des chansons ;
Et quand Thémis avec Bellone
Par votre main raffermira
Des césars le funeste trône ;
Quand le Hongrois cultivera,
À l’abri d’une paix profonde,
Du Tokai la vigne féconde ;
Quand partout son vin se boira,
Qu’en le buvant on chantera
Les pacificateurs du monde,
Mon prince à Berlin reviendra ;
Mon prince à son peuple qui l’aime
Libéralement donnera
Un nouvel et bel opéra,
Qu’il aura composé lui-même.

  1. Frédéric avait refait alliance avec les Français, et Voltaire avait concouru à cette œuvre diplomatique.
  2. L’empereur Charles VII.