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Fais briller ta vive clarté,
Et répands la sérénité
Sur le soir d’un jour plein d’orage,
Ô déesse, exauce mes vœux !
Que ton étoile favorable
Conduise ce mortel aimable ;
Il est si digne d’être heureux !
Sur Hénault tous les autres dieux
Versent la source inépuisable
De leurs dons les plus précieux.
Toi qui seule tiendrais lieu d’eux,
Serais-tu seule inexorable ?
Ramène à ses amis charmants,
Ramène à ses belles demeures
Ce bel esprit de tous les temps,
Cet homme de toutes les heures.
Orne pour lui, pour lui suspends
La course rapide du temps ;
Il en fait un si bel usage !
Les devoirs et les agréments
En font chez lui l’heureux partage.
Les femmes l’ont pris fort souvent
Pour un ignorant agréable,
Les gens en us pour un savant.
Et le dieu joufflu de la table
Pour un connaisseur très-gourmand.
Qu’il vive autant que son ouvrage[1],
Qu’il vive autant que tous les rois
Dont il nous décrit les exploits,
Et la faiblesse et le courage,
Les mœurs, les passions, les lois,
Sans erreurs et sans verbiage.
Qu’un bon estomac soit le prix
De son cœur, de son caractère,
De ses chansons, de ses écrits.
Il a tout : il a l’art de plaire,
L’art de nous donner du plaisir,
L’art si peu connu de jouir ;
Mais il n’a rien s’il ne digère.
Grand Dieu ! je ne m’étonne pas

  1. Nouvel Abrégé chronologique de l’Histoire de France.